Depuis jeudi soir, Jean-Marie Le Pen est exclu du Front National. Ainsi en a décidé le bureau exécutif du parti d'extrême droite qu'il a fondé en 1972 et mis en 2011 entre les mains de sa fille, Marine Le Pen.
Une "exécution", dit Le Pen père. Interrogé sur Europe 1 vendredi matin, Jean-Marie Le Pen s'est dit "victime d'une mascarade" de la part du bureau exécutif du FN. Selon lui, le bureau a agi sur ordre express de Marine Le Pen elle-même. "Il n'y a pas eu de vote du bureau exécutif : on a attendu l'ordre de Marine Le Pen qui, elle, s'était abstraite du débat avec M. Philippot", a dit l'ancien président du parti sur Europe 1. "Ils s'étaient en quelque sorte retirés pour avoir les mains propres et laisser l'exécution à ses collaborateurs."
Pour le vieux lion, tout était d'ailleurs "joué" d'avance. "J'ai le regret d'avoir été injustement agressé, assez ignominieusement traité dans le parti dont je suis le fondateur", a déclaré Jean-Marie Le Pen.
Il n'a pas dit son dernier mot. Contre cette nouvelle décision comme pour toutes celles prononcées contre lui depuis le début de la crise du FN, Jean-Marie Le Pen va faire appel à la justice. "Cette décision a été prise en toute illégalité, comme généralement les actions qu'engage Marine Le Pen", fait savoir Jean-Marie Le Pen, qui ne doute pas de ses chances de succès : "Je demanderai à la justice un arbitrage dont je ne doute pas qu'il soit en ma faveur comme les trois fois précédentes."
Un combat qu'il prévoit de mener "en toute sérénité", pour ce qui "commence pour [lui] à devenir une habitude", dit-il sur Europe 1. "Marine Le Pen poursuit une entreprise dont je peine à trouver les raisons et les racines", a-t-il poursuivi.
Des liens rompus. À l'antenne d'Europe 1, le fondateur du FN donne du "Madame Le Pen". "Comment voulez-vous que je l'appelle ?", plaisante celui qui vient d'être exclu de son parti. "Il ne faut pas la confondre avec ma chère femme !", poursuit-il.
Des relations avec sa fille, Jean-Marie Le Pen fait savoir qu'elles sont au point mort depuis le printemps. "Il y a trois mois que je ne l'ai pas vue ! Elle correspond avec moi par personne interposée, ce qui est assez singulier de la part d'une fille vis-à-vis de son père, et d'une présidente du FN par rapport au fondateur, continuateur et président d'honneur du mouvement qu'elle préside pour l'instant". Pour l'instant ?
"Je peux me regarder dans la glace". Quant à un soutien de Marion Maréchal-Le Pen, le grand-père de la députée a fait savoir qu'il n'attendait pas d'approbation de "qui que ce soit". "Ce qui m'intéresse, c'est d'être en accord avec ma conscience, avec le sentiment que j'ai de servir mon pays. Ça m'a coûte cher quelques fois mais je peux me regarder dans la glace", a poursuivi Jean-Marie Le Pen.
"J'espérais, c'était un peu le sens de mes interventions auprès du bureau exécutif, qu'on allait mettre fin à cette mascarade et à la division du mouvement national au moment où la France en a tant besoin. Je me suis trompé.", a-t-il regretté au cours de son interview.
"Quelles provocations ?" Interrogé vendredi sur les raisons de son exclusion, Jean-Marie Le Pen a fait mine de ne pas savoir ce que le FN lui reprochait. "Quelles provocations ?", a-t-il lancé faussement outré.
Son interview à Rivarol ? "Et alors ? J'ai donné une interview que la plupart des gens jugent sans même l'avoir lue ! Y compris Marine Le Pen elle-même ! J'ai donné une interview à Rivarol comme je l'aurais donnée à l'Humanité ou n'importe quel autre journal. Il n'y a rien de nouveau dans cet article, rien que ne connaissait à l'avance Marine Le Pen depuis des années."
"L'étonnant" couple Le Pen-Philippot. Au micro d'Europe 1, celui qui multiplie les dérapages depuis trente ans a dit être "chez lui" au FN. "Il n'y a aucune raison que je lance un nouveau parti ! Ce serait plutôt un conseil à donner à M. Philippot, tout à fait récent chez nous, d'aller faire ce qu'il a à faire ailleurs." Le bras droit de Marine Le Pen est dans le viseur de Jean-Marie. Il est "à la manoeuvre" aux côtés de sa fille, croit-il savoir. "Je pense qu'ils agissent ensemble dans un couple étonnant d'ailleurs, mais dont je constate l'existence".
Le Pen voit son avenir au FN. Questionné sur son avenir, Jean-Marie Le Pen n'a pas évoqué d'horizon éloigné du Front National. Sur Europe 1, il a appelé les électeurs à ne pas "démissionner", tout en leur donnant rendez-vous aux universités d'été en septembre. "J'espère tous mes amis se donneront rendez-vous le 6 septembre pour que nous puissions démontrer que nous existons nous aussi."
À la question de Patrick Roger "Allez-vous mener la bataille contre Marine Le Pen à l'intérieur du parti", Jean-Marie Le Pen a répondu : "Absolument". Sera-t-il son premier opposant en vue de la présidentielle ? "Je ne sais pas", a déclaré Le Pen père. "Si Marine Le Pen poursuit dans la ligne qu'elle a tracée, c'est sûr qu'elle ne m'aura pas comme électeur".