"Un ouragan Irma sur les relations entre l'État et les collectivités." Les prévisions météo de François Baroin depuis la mairie LR de Troyes sont catastrophiques. Dans une interview au Figaro lundi, celui qui est aussi président de la puissante Association des maires de France (AMF) critique vertement la politique de l'exécutif actuel, très défavorable selon lui aux élus locaux. Énième preuve qu'entre le gouvernement et les territoires, rien ne va plus.
Avis de tempête. Les avis de tempête se sont accumulés ces derniers jours. Les élus locaux, appelés aux urnes pour les sénatoriales, dimanche dernier, se sont cabrés. La République en marche! a pris un coup sur la tête lors des sénatoriales, voyant son groupe de départ, de 29 sénateurs, diminuer. Puis, jeudi, les régions se sont retirées de la Conférence nationale des territoires lancée le 17 juillet dernier par Emmanuel Macron.
Coups de tonnerre à prévoir toute la semaine. Les collectivités comptent bien passer la vitesse supérieure cette semaine. Alors que le président retourne mardi sur le site de l'usine Whirlpool d'Amiens, il lui faut s'attendre à une mobilisation de tous les acteurs et élus locaux qui, derrière le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, s'agacent du coup d'arrêt subi par le projet de canal Seine-Nord.
Mercredi, plusieurs maires de l'Eure, fief du ministre de l'Économie Bruno Le Maire, ont annoncé qu'ils fermeraient les services publics pour protester contre la suppression de la taxe d'habitation de 80% des foyers. Le même jour, à l'hôtel de région de Toulouse, les représentants de l'Occitanie et de la Nouvelle-Aquitaine organisent un grand raout pour rappeler à l'État ses engagements d'investissement pour prolonger la LGV Paris-Bordeaux jusqu'à la ville rose.
Un orage aux causes multiples.Les motifs de la grogne sont donc multiples. Outre ces projets, le canal Seine-Nord et la LGV, qui ont demandé des investissements importants de la part des collectivités et semblent maintenant freinés par l'exécutif, outre la suppression de la taxe d'habitation, mesure connue depuis la campagne présidentielle, les mauvaises nouvelles se sont enchaînées pour les élus locaux. D'abord avec la suppression de 300 millions d'euros de dotations aux collectivités dès 2017, révélée fin juillet par Libération. Puis avec le non-renouvellement soudain de dizaines de milliers de contrats aidés.
" C'est du foutage de gueule permanent de la part de l'exécutif. Les élus locaux n'ont plus confiance. "
"Les élus municipaux ne peuvent plus lever l'impôt hormis la taxe foncière et ne peuvent plus embaucher non plus", résume le député LR Pierre-Henri Dumont. "On leur supprime leur indépendance financière et leur impose en plus des coups de rabot." L'élu du Pas-de-Calais s'interroge également sur d'autres politiques à venir, comme l'augmentation de l'allocation aux adultes handicapées, dont le versement incombe aux départements.
Vents jacobins contre brises girondines. La pilule est d'autant plus difficile à avaler que les collectivités voyaient d'un bon œil le lancement de la Conférence des territoires. Puis, la déception est venue s'ajouter aux désaccords. "C'est du foutage de gueule permanent de la part de l'exécutif", assène Pierre-Henri Dumont. "On n'a plus confiance."
Cette fronde locale dessine un nouveau clivage. Emmanuel Macron avait voulu transcender la droite et la gauche, voilà qu'une opposition entre girondins et jacobins se fait de plus en plus nette. "Ce sont deux conceptions de la politique très différentes", explique Pierre-Henri Dumont. "Emmanuel Macron n'a jamais été en charge d'un exécutif local. Je ne dis pas ça pour défendre la vieille politique ou un cursus honorum auquel il serait impossible de déroger. Mais le fait est que ce sont les élus 'd'en bas' qui sont les plus proches de la population. Et qu'il n'a aucune idée de ce que c'est."
Un nouvel espace pour l'opposition. Le fait est, aussi, que l'occasion est trop belle pour la droite et une partie de la gauche, qui voient dans ce nouveau clivage un positionnement politique porteur. En asseyant leur domination au Sénat, les Républicains ont rappelé que mairies, conseils départementaux et conseils régionaux leur étaient acquis. Les socialistes, eux, ont limité la casse au Palais du Luxembourg, prouvant qu'ils pouvaient encore compter sur une assise locale. Vaincues à la présidentielle et aux législatives, les deux familles politiques s'affirment désormais comme représentantes des territoires, contre un gouvernement de la métropole sourd aux problématiques locales. Et retrouvent ainsi un espace pour construire leur opposition.