Il a nommé un gouvernement, prononcé un discours de politique générale, défendu sa politique dans les médias, et pourtant, c’est jeudi soir qu’Edouard Philippe pourrait connaître son premier grand temps fort. Celui capable, devant de nombreux téléspectateurs, plusieurs millions sans doute, de lui conférer une nouvelle envergure. Car à la fin de L’Emission politique, sur France 2, dont il est invité, le Premier ministre affrontera au cours d’un débat Jean-Luc Mélenchon, bretteur reconnu, réputé et parfois craint. Un sacré test.
Ordonnances, ISF et… petite phrase sur les nazis. Bien sûr, Edouard Philippe a travaillé ses dossiers. Il sait qu’il devra répondre sur les ordonnances, sur le projet de loi anti-terroriste, sur la réforme de l’ISF et tous les autres dossiers sur lesquels La France insoumise s’élève. Histoire de ne pas réserver sa réponse, comme il a pu le faire sur BFMTV le 24 août dernier. Et d’ailleurs, le Premier ministre prépare ses coups, notamment après la phrase de Jean-Luc Mélenchon sur "la rue qui a abattu les nazis", lors de la manifestation du 23 septembre, et que le chef du gouvernement ne s’interdit pas d’exploiter, selon Europe 1.
"Mélenchon va lui mettre son compte". Mais c’est aussi, et surtout, sur la forme qu’Edouard Philippe est attendu. "Ça peut être casse-gueule d'être face à un démagogue quand on est aux responsabilités", admet un député de La République en marche, interrogé par Europe 1. "C'est un débatteur face à un technocrate, je pense que Mélenchon va lui mettre son compte", se frotte par avance les mains un ténor des Républicains dans Le Figaro.
Evidemment, à Matignon, on joue la sérénité. Le débat a été préparé avec soin. "Je ne crois pas que Jean-Luc Mélenchon jouera le dérapage. Après celui de samedi, il voudra se recrédibiliser", parie-t-on dans l’entourage du Premier ministre, selon l’Elysée. Le débat arrivera en toute fin d’émission, après déjà presque deux heures de questions ? "Édouard Philippe aime avoir du temps pour expliquer sa pensée, il a un côté diesel, ça tombe bien", glisse un proche au Figaro. "Il s'adaptera au ton de son adversaire", indique un proche à RTL.
La flatterie pour commencer ? L’entourage d’Edouard Philippe mise aussi sur le fait que les deux hommes, même s’ils s’affrontent, s’estiment. "Le Premier ministre, du temps où il était député-maire du Havre, avait d’ailleurs signé un long portrait de son adversaire du soir dans la revue Charles en octobre 2015. Malgré quelques piques, il avait aussi salué un "républicain total", un "patriote" et un "homme capable d'une vision et d'un dessein" doté de "l'élégance du hérissé". Et ses proches croient savoir comment aborder le duel : par une certaine flatterie. "Les débats qui démarrent par la reconnaissance de ses qualités intellectuelles et littéraires se passent toujours bien", explique un proche au Parisien. Le message, en tout cas, est clair : Edouard Philippe ne craint pas le face-à-face.
"Mettre un terme au débat sur l'hyperprésidence". D’autant que si le Premier ministre a sans doute beaucoup à perdre, il a aussi pas mal à gagner dans la confrontation. Edouard Philippe a ici enfin l’occasion de sortir de l’ombre forcément encombrante d’un Emmanuel Macron omniprésente. C’est d’ailleurs l’un des objectifs avoués. "Ce face-à-face doit mettre un terme au débat sur l'hyperprésidence", confesse ainsi un membre de la garde rapprochée du président de la République au Parisien. "On doit voir un Premier ministre pleinement dans son rôle, pas réduit à un collaborateur". Une amicale pression qui résume les attentes de l’émission du côté de l’exécutif.