Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a promis mardi l'envoi de magistrats supplémentaires à Marseille, endeuillée par des règlements de comptes qui ont poussé élus et professionnels à réclamer davantage de moyens pour soigner les maux de la deuxième ville de France. Interpellé sur le manque de ressources dans le troisième tribunal judiciaire de France (après Paris et Bobigny), le garde des Sceaux a assuré mardi qu'il répondrait "favorablement" dans les jours qui viennent aux demandes "légitimes et nécessaires" de magistrats supplémentaires.
"Pas de recette miracle"
"Il faut un plan Marshall pour l'enfance, pour Marseille, pour les quartiers Nord", a lancé mardi une juge des enfants au garde des Sceaux, qui était venu présenter la réforme de la justice pénale des mineurs, qui entrera en vigueur le 30 septembre. En mars, le président du tribunal Olivier Leurent avait déjà mis en garde contre le danger que représenterait "un déni de justice" faute de pouvoir juger certaines affaires: le risque, "c'est d'un côté un sentiment d'impunité pour les auteurs, et puis l'absence de justice pour les victimes, voire le risque de réitération".
Depuis un an, 62 personnels, hors magistrats, sont arrivés dans la juridiction de Marseille, et 11 magistrats ont été recrutés, dont les derniers doivent prendre leur poste au 1er septembre, a rappelé mardi Eric Dupond-Moretti, disant également attendre les conclusions d'un audit de l'Inspection générale de la justice dans les jours à venir. "Mais, bien sûr, ça n'est jamais suffisant et, bien sûr, il n'y a pas de recette miracle", a également souligné le ministre.
"Mes enfants veulent que l'on déménage"
Depuis le début de l'été, la ville est meurtrie par une "explosion" des règlements de comptes liés au trafic de drogue: 12 des 15 morts enregistrés depuis le début de l'année l'ont été au cours des deux derniers mois, a rappelé lundi la procureure de Marseille Dominique Laurens. La mort par balle, le 19 août, d'un adolescent de 14 ans sur un point de vente dans une des cités les plus pauvres de Marseille, puis, trois jours plus tard, trois nouveaux homicides, dont celui d'un homme de 27 ans, enlevé en pleine rue et brûlé vif dans le coffre d'une voiture, ont semé l'effroi. "Mes enfants veulent que l'on déménage. C'est une catastrophe ce que l'on vit ici", témoigne une mère de famille habitant le 14e arrondissement, où l'adolescent a été tué.
Cette accélération des règlements de comptes jette une lumière crue sur la ville portuaire de 870.000 habitants, où la violence prolifère sur un terreau social peu reluisant. Mal-logement criant, écoles en mauvais état, grandes inégalités entre les quartiers du Nord de la ville livrés à eux-mêmes pendant des années et ceux riches du bord de mer, transports en commun défaillants: la deuxième ville de France, où le taux de pauvreté dépasse par exemple les 40% dans le 14e arrondissement, lance un appel à l'aide.
Estimant que Marseille manquait encore de policiers, 800 selon lui, malgré de récents renforts d'une centaine de fonctionnaires de police, le maire socialiste de Marseille Benoît Payan a aussi appelé à une "approche globale" des problèmes: "Il faut aussi donner des moyens à la justice, à l'Education nationale". "Marseille est une des villes où il y a le moins de caméras de vidéoprotection" notamment dans les quartiers Nord, lui a rétorqué mardi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, se disant prêt à en financer "une très grande partie". Le président de la République Emmanuel Macron se rendra à son tour dans les prochains jours à Marseille. Le chef de l'Etat devrait faire "un certain nombre d'annonces", selon Benoît Payan.