Le Front National lance sa mise en chantier. Les principaux responsables du parti se réunissent vendredi et samedi dans le cadre d’un séminaire de refondation, prélude à une consultation des adhérents, qui seront notamment questionnés sur un éventuel changement de nom. Sept groupes de travail ont été mis en place par la direction, concernant le programme et les thèmes de campagne, la stratégie, le fonctionnement du mouvement, l’animation et la gestion des fédérations, l’organisation des campagnes électorales et des réunions publiques, la propagande et la communication, les élus et l’implantation locale, précise un communiqué de presse.
Un rendez-vous fatidique donc pour un parti qui, après avoir réuni plus de 10,6 millions d’électeurs à la présidentielle, n’a pu faire rentrer que huit députés à l’Assemblée. "On sort de plusieurs séquences électorales qui ont été intéressantes, qui ont permis à Marine de rassembler un nombre d’électeurs que nous n’avions jamais rassemblé jusqu’ici", veut pourtant relativiser David Rachline, vendredi, au micro de la matinale d'Europe 1. "Nous avons franchi une nouvelle étape, mais comment aller plus loin ? Comment analyser ce qui a bien fonctionné et ce qui a moins bien fonctionné, parce qu’il y a aussi un certain nombre de choses qui ont moins bien fonctionné", explique le maire de Fréjus. L'objectif : "Fonder un grand mouvement populaire autour des orientations patriotes pour arriver aux responsabilités demain".
Une direction en crise. Pourtant, le vice-président du parti, Florian Philipot, n'a pas hésité jeudi à livrer quelques mises en garde dans une interview au Parisien. Le candidat malheureux à la députation en Moselle, largement critiqué en interne pour sa ligne souverainiste et ses positions sur l’euro, y appelle notamment à un élargissement des thématiques de campagne tout en campant sur ses positions. "Ne croyons pas qu’en ne parlant que du fameux débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle on va tout régler", lâche l’eurodéputé, en référence à la performance largement décriée dans les rangs frontistes de Marine Le Pen face à Emmanuel Macron le 3 mai. Une entrée en matière en forme de tacle, et qui ne devrait pas aider à apaiser les tensions qui agitent le parti depuis la fin de la présidentielle.
Élargir pour gagner en crédibilité. Pour autant, Florian Philippot continue de défendre la ligne politique de sa présidente, dont il a été l’un des principaux architectes. "Elle consiste à être capable de parler à tous les Français, sur tous les sujets, en sortant du discours naturel du Front national sur l’immigration et l’insécurité. Si on revient sur ça, cela ne nous permettra pas d’accéder un jour au pouvoir", soutient-il. Il appelle en outre le FN à cultiver son image de parti de gouvernance : "On n’est pas encore assez entendus sur des thèmes qui concernent tous les Français, comme l’école, la santé l’écologie…"
Alors que la direction de Marine Le Pen a pu en agacer certains, étant considérée comme trop autoritaire, David Rachline, toujours sur Europe 1, veut mettre en avant la "légitimité" de la fille de Jean-Marie Le Pen. "Elle tient sa légitimité du congrès du Front national, elle a été élu brillement", rappelle-t-il. "Elle est notre dénominateur commun en quelque sorte. S’il l’on peut avoir des sensibilités les uns les autres, des sujets que nous préférons aborder plutôt que d’autres, elle est celle qui rassemble". Un élargissement que Florian Philippot veut aussi faire passer par un rapprochement des droites. "Il faut qu’on continue de travailler avec Nicolas Dupont-Aignan", soutient-il, alors même que le président de Debout la France, qui a soutenu Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, puis rompu son alliance après la défaite, a déclaré début juillet sur France 3 qu’il était prêt à dialoguer avec certains cadres frontistes. Florian Philippot tend aussi la main à Thierry Mariani, l’ancien secrétaire d’Etat de Nicolas Sarkozy, qui dans l’hebdomadaire d’extrême droite Minute se dit favorable à des "discussions" avec des membres du FN. Autre cible de l’eurodéputé : Laurent Wauquiez, tenant d’une ligne très à droite chez des Républicains qui, eux aussi, tentent de se reconstruire.
Des sujets qui fâchent. Mais c’est bien l’épineuse question de la sortie de l’euro qui devrait monopoliser une partie des débats du séminaire de refondation. Elle reste la principale pomme de discorde entre les cadres du parti, beaucoup estimant que le FN a été incapable de trouver sa crédibilité sur les questions économiques en défendant pendant la campagne, tant bien que mal, une sortie de l’euro amortie par la mise en place d’une double monnaie. "Que ce soit l’idée ou la formulation qui en a été faite, les Français n’ont pas suivi", relevait Nicolas Bay mi-juin au micro d’Europe 1. Isolé sur la sortie de l’euro, Florian Philippot a mis à plusieurs reprises son départ du FN dans la balance pour que cette mesure reste au programme du parti. Une menace à nouveau réitérée dans les colonnes du Parisien jeudi : "Si demain mon parti abandonnait la souveraineté monétaire donc la souveraineté nationale, bien sûr que je n’aurais plus rien à y faire. Parce que cela deviendrait un parti eurofédéraliste". De son côté, Marine Le Pen refuse de trancher explicitement : "Je vais essayer de concilier cette nécessité d’être libre chez nous, souverain chez nous, Français, et rassurer ces derniers sur cette question monétaire. Certes, ça va un peu être la quadrature du cercle, mais je suis convaincu qu'on va y arriver", a-t-elle reconnu sur Europe 1 début juillet.
Autre sujet que compte défendre Florian Philippot : la réintégration de Sophie Montel. Proche du vice-président, l’eurodéputée, qui s’est faite remarquer pour avoir communiqué à la justice une liste de députés Français au Parlement européen soupçonnés d’utiliser des emplois fictifs, s’est vue débarquer de la présidence du groupe FN au conseil régional de Bourgogne-France-Comté pour avoir pris la défense de deux élus régionaux "hostiles à la direction du mouvement". Une mise à l’écart qui semble isoler un peu plus Florian Philippot, qui défend "le mérite" de Sophie Montel. "Elle vient encore de le démontrer en signalant Jean-Luc Mélenchon dans l’affaire des assistants parlementaires européens".
Changer de nom. Enfin, le vice-président se prononce en faveur d’un changement de nom du parti, estimant que "le nom Front national suscite une hostilité, un blocage immédiat chez encore beaucoup trop de Français". Sur ce point, en tous cas, il est encore en accord avec sa présidente : "Je veux tout changer au FN, y compris le nom", avait déclaré Marine Le Pen sur BFMTV fin juin.