L'ancien conseiller en communication de François Hollande dévoile les coulisses du quinquennat écoulé dans un livre, La politique est un sport de combat.
Il a été dans le secret des dieux. Gaspard Gantzer, ancien conseiller en communication de François Hollande, publie La politique est un sport de combat, où il livre son récit du quinquennat vu de l'intérieur. Ancien camarade de promo d'Emmanuel Macron à l'ENA, Gaspard Gantzer fut l'un des derniers fidèles de François Hollande, alors que la maison socialiste s'écharpait autour du bilan de ce dernier dans les derniers mois de la présidence. Invité mardi de la matinale d'Europe 1, l'ancien conseiller avoue conserver "beaucoup" d'affection lui, mais aussi pour son successeur. "J'ai de l'affection et de l'admiration pour les deux, mais de façon assez différente".
Gaspard Gantzer ne cache pas le "vertige" éprouvé face au parcours d'Emmanuel Macron, dont il a pu scruter l'irrésistible ascension de très près. "Qui aurait pu imaginer, quand j'arrive à l'Elysée, que je me retrouverai à mettre un bulletin de vote Macron quelques années plus tard ?", s'étonne-t-il encore. "Même si j'avais décelé l'ambition chez mon camarade de promo, jamais je n'aurais pu imaginer qu'il serait candidat à la présidence de la République en 2017. Personne n'imaginait d'ailleurs qu'il puisse réussir si vite et si fort, c'était inimaginable. Il y avait déjà un président en place, dont il avait été le conseiller et le ministre, et puis tout le monde pensait qu'il fallait un parti et plusieurs années à labourer le terrain pour réussir. Il était peut-être le seul à y croire, avec quelques proches conseillers. Il a cru en son destin. Maintenant, il faut réussir !"
Emmanuel Macron, de conseiller du prince à candidat
Gaspard Gantzer reconnaît que, très vite, Emmanuel Macron s'est imposé comme un redoutable animal politique, prenant peu à peu ses distances avec François Hollande sans pour autant se mettre explicitement en porte-à-faux. "Quand je suis arrivé à l'Elysée [en 2014, ndlr], c'était clairement le plus proche conseiller de François Hollande sur les questions économiques et sociales qui étaient centrales à ce moment-là du quinquennat", explique-t-il. "J'ai été très impressionné par son évolution entre l'ENA et son arrivée à l'Elysée, […] puisque l'on sentait déjà qu'il était devenu l'homme politique qui sommeillait en lui depuis quelques temps. Il en avait pris la langue de bois, mais aussi une grande précision dans le maniement des concepts. C'était assez vertigineux". Et peu à peu, l'élève s’émancipe du maître : "Il n'y avait pas de pas de côté par rapport au président, mais on sentait que, parfois, il n'en pensait pas moins", relève Gaspard Gantzer.
Valls et Macron, deux frères ennemis
Très vite, Manuel Valls, devenu Premier ministre en 2014, apparaît agacé par le jeune ambitieux aux dents longues qui a l'oreille du président. "À un moment, une rivalité s'est installée entre le Premier ministre et son ministre de l'Economie. Le paradoxe, c'est qu'elle a plutôt motivé Emmanuel Macron, l'a poussé à jouer des coudes, à s'émanciper", estime Gaspard Gantzer, toujours au micro d'Europe 1. "Manuel Valls ne voulait certainement pas cela, mais en cherchant à éteindre l'ambition d'Emmanuel Macron, il n'a fait que l'alimenter."
Un président ne devrait pas dire ça, la "bombe à fragmentation" qui fait éclater le quinquennat
La publication en octobre 2016 des confidences de François Hollande, recueillies par les journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, suscite une succession de polémique et précipite le destin politique du président. "Je ne connaissais pas ces deux journalistes, peut-être parce que ce ne sont pas des journalistes politiques mais des journalistes d'investigation. Au début, je ne me suis pas assez méfié, j'aurai certainement dû le faire davantage", concède Gaspard Gantzer qui se souvient du séisme provoqué par Un président ne devrait pas dire ça.
"Chaque jour, je découvrais une nouvelle révélation. C'est une bombe à fragmentation : il y a la bombe du livre en lui-même, et ensuite les réactions politiques. C'était ça le plus surprennent : tous les opposants, intérieurs et extérieurs de François Hollande, se sont saisis du bouquin". Et notamment Manuel Valls que Gaspard Gantzer qualifie de "meilleur attaché de presse de Davet et Lhomme". "Il parlait tous les jours du bouquin dans la presse, en on et en off". Le contenu du livre devient rapidement une arme aux mains de ceux qui nourrissent quelques ambitions présidentielles, alors même que le calendrier électoral presse François Hollande de se prononcer sur sa candidature. "Quand François Hollande a annoncé qu'il n'était plus candidat, plus personne n'a parlé du livre", relève l'ancien conseiller.
Le "cri du cœur" de François Hollande
D'après des propos rapportés par Gaspard Gantzer, le président de la République aurait presque poussé un soupir de soulagement en renonçant à briguer un second mandat : "Heureusement qu'il y a eu le livre de Davet et Lhomme, sinon j'aurais été contraint de me représenter", aurait-il déclaré. "Cette phrase traduit une forme de lassitude face aux attaques incessantes des socialistes, ceux que l'on a appelé les frondeurs, et d'une partie du gouvernement, alors qu'il avait fait le job sur les attentats et le redressement du pays", estime Gaspard Gantzer. "C'est presqu'un cri du cœur", conclut-il.
>>> Retrouvez ci-dessous l'intégralité de l’interview de Gaspard Gantzer, par Patrick Cohen :