Il clarifie les choses. Dans un entretien fleuve accordé à la revue Le Débat, pour son numéro de septembre-octobre et dont Le Monde publie de larges extraits ce jeudi, François Hollande revient sur le sens de son action politique, défend son bilan et évoque l’évolution du statut de chef de l’Etat ces dernières décennies. Surtout, le président de la République, qui continue de dégringoler dans les sondages, et dont l’action est contestée par une large partie de la gauche, se repositionne par rapport au socialisme, adressant en creux une réponse à Emmanuel Macron, qui se dit "ni à gauche ni à droite", mais également à ceux qui lui reprochent d’avoir trahit les objectifs énoncés dans son discours du Bourget en 2012.
Le clivage gauche/droite toujours d’actualité. "Je suis socialiste", affirme François Hollande. "Je suis socialiste mais je ne suis pas pour la socialisation des moyens de production. Je ne l’ai jamais été." Le ton est donné, et le parallèle avec la petite phrase lancée par le désormais ex-ministre de l’Economie, en marge d’une visite au Puy-du-Fou mi-août, apparaît évident. "L’honnêteté m’oblige à vous dire que je ne suis pas socialiste [...]. Mais quelle importance ?", avait déclaré Emmanuel Macron, alors en visite sur les terres de Philippe de Villiers. Le président, lui, réfute l’opposition entre progressistes et conservateurs, que théorise son ancien protégé, et "continue de penser que le clivage gauche-droite reste fondateur de la démocratie".
"Le socialisme est une philosophie". Il se dit avant tout attaché à "l’idée" du socialisme : "Le socialisme est une philosophie beaucoup plus qu’une doctrine. Quand Léon Blum évoque ce qui l’a rendu socialiste, il dit que c’est l’idée de justice qui l’a déterminé. Aujourd’hui, je poursuis cette idée de justice tout en assurant le destin d’une nation [...]"., détaille-t-il, refusant également de considérer qu’ "il n’y aurait plus qu’un seul modèle et que les marges entre la droite et la gauche seraient tellement faibles que le vote des citoyens n’obéirait plus qu’à des logiques d’adhésion à des personnalités."
Un président en difficulté. Selon un sondage Ipsos pour Le Point, la côte de popularité du président a encore chuté en septembre, avec 15% d’opinions favorables, au lendemain d’une rentrée marquée par la reprise de la contestation sociale mais aussi l’accélération de la campagne pour la primaire à droite. À gauche, les candidature se multiplient pour la primaire du PS, avec notamment Marie-Noëlle Lienemann, Gérard Filoche, Benoît Hamon ou encore Arnaud Montebourg. Christian Paul, chef de file des frondeurs à l’Assemblée nationale a notamment estimé dans une interview au JDD, que "la candidature de François Hollande est devenue impossible". "Le problème de ce quinquennat a bien été le fossé entre les discours et les actes", a notamment déploré le député de la Nièvre
Ne pas "baisser les yeux". "J’ai été particulièrement clair dans la campagne des primaires. J’ai parlé de changement, pas de rupture", soutient François Hollande dans son entretien. "Le discours du Bourget qui dénonçait la finance, celle qui étreignait les Etats avec la crise des subprimes, a été emblématique, parce qu’une campagne se résume à une formule et quelques mots. Je ne les renie pas", affirme le chef de l’Etat."La gauche de gouvernement devient suspecte dès qu'elle accède aux responsabilités et son destin est de toujours être accusée de trahison. Il n'y a pas d'exemple d'une gauche au pouvoir qui n'ait été sous la pression des procureurs de l'alternative", estime encore le président, possible candidat à sa réélection en 2017. "Face à cette perpétuelle suspicion, la gauche de gouvernement ne doit pas baisser les yeux et être davantage fière de ce qu'elle fait", déclare-t-il.
L’aile gauche et la logique du blocage. Surtout, François Hollande sonne la charge contre une partie de son aile gauche qui, selon lui, a remplacé l’emprise qu’a pu exercer, au moins jusque dans les années 1980, la pensée communiste sur les socialistes, sorte de "surmoi de la gauche". "Ce surmoi est toujours très fort. Il ne s’appelle plus communisme, mais 'alternative', 'autre gauche' ou 'insoumis'", observe le chef de l’Etat pour qui cette gauche est engagée dans une logique de blocage systématique. "L’objectif est d’entraver l’Etat, par tout moyen, selon la théorie du grain de sable. Non plus de contester ses réformes, mais de paralyser l’Etat. Et de le défier, jusque sur le terrain du maintien de l’ordre. D’où les violences contre les policiers".