C'est l'heure du choix pour le président de la République. Faut-il persister à mener la révision constitutionnelle à son terme, alors que le Sénat et l'Assemblée nationale ne semblent pas pouvoir s'accorder sur un texte commun ? Ou, au contraire, faut-il reculer et abandonner tout ou partie de la réforme ? Selon nos information, François Hollande devrait prendre sa décision mardi soir. D'ici là, les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale vont consulter leurs troupes une dernière fois. De son côté, Manuel Valls prendra aussi de nombreux contacts informels auprès des parlementaires. Autant d'informations qui convergeront vers l'Elysée et aideront François Hollande et son Premier ministre à trancher.
Le maintien du texte impossible... La marge de manœuvre de François Hollande est réduite. L'option la plus improbable reste le maintien du texte tel quel. Le président est bien le seul à y croire encore, tant les positions des députés et des sénateurs semblent irréconciliables. Le Sénat a en effet profondément remanié la version votée par l'Assemblée nationale en encadrant plus strictement l'état d'urgence et en restreignant la déchéance de nationalité aux binationaux. Or, les deux chambres doivent impérativement se mettre d'accord pour qu'un texte commun puisse être voté par le Parlement réuni en Congrès. Et il n'est pas possible, dans le cas d'une révision constitutionnelle, de convoquer une commission mixte paritaire chargée d'aboutir à un compromis.
...et l'abandon improbable. Reste ensuite l'abandon pur et simple de la réforme. François Hollande n'en veut pas. Il sait que ne pas être capable d'aller au Congrès serait synonyme d'humiliation. Un abandon partiel semble tout aussi compliqué. Le président pourrait décider de renoncer à l'article 2, celui sur la déchéance de nationalité, pour ne réunir le Congrès que sur l'article 1, qui constitutionnalise l'état d'urgence. Au vu des blocages autour du texte, cette solution serait accueillie comme une bénédiction par le chef de l'Etat. Mais elle est loin de garantir le succès de l'entreprise. En effet, il faut à la réforme constitutionnelle une majorité des 3/5e des voix lors d'un Congrès, ce qui signifie l'obligation de rallier une partie de l'opposition. Or, la droite n'était prête à voter le texte que s'il comprenait la déchéance de nationalité. En outre, les modifications du Sénat sur l'état d'urgence sont difficiles à avaler pour les députés, car elles renforcent les prérogatives des sénateurs.
Mettre l'échec du texte sur le dos de la droite. François Hollande, qui a convoqué son cabinet pendant deux heures en plein week-end de Pâques samedi matin, pour trouver une porte de sortie satisfaisante, joue très gros sur cette révision constitutionnelle. Certes, le président devrait mettre l'échec de sa réforme sur le dos d'une droite politicienne et irresponsable. Mais cette communication ne devrait tromper personne. Sa propre majorité l'a abandonné sur le terrain de la déchéance, avançant en ordre dispersé. Avec ce texte, le chef de l'Etat a creusé encore un écart déjà béant avec sa gauche, sans gagner de réel soutien au centre ou à droite.
L'image d'un président faible. Il est désormais bien tard pour reculer, alors que le président avait lui-même expliqué que cette révision constitutionnelle était essentielle pour protéger les Français face au terrorisme. Si François Hollande n'obtient pas son Congrès, c'est l'image d'un chef de l'Etat trop faible, enferré dans un imbroglio politique auquel plus personne ne comprend rien, sinon qu'il en est le principal responsable, qui restera. Mardi soir, la forme de l'annonce du chef de l'Etat devrait dépendre de l'option choisie. Si la navette parlementaire se poursuit, François Hollande devrait le faire savoir discrètement, par la voix d'un porte-parole ou via un simple communiqué. En cas d'abandon total ou partiel de la réforme, il pourrait s'exprimer solennellement à la télévision.