Quand la politique française joue au chamboule-tout. Il y a quelques semaines encore, personne n’imaginait le scénario de ces douze jours fous qui ont bouleversé durablement le théâtre du pouvoir en France. Onze jours qui ont vu le départ, plus ou moins forcé, de trois ténors qui ont marqué pendant près de quatre décennies la scène politique. Nicolas Sarkozy, François Hollande, qui a renoncé jeudi soir à se représenter, et Alain Juppé, soit deux anciens (ou futur ex-)présidents de la République et un ancien Premier ministre, poussés à la retraite, sans doute définitivement, au moins durablement. Certes, cela ne tourne pas pour autant la page de toute une génération politique, puisque certains candidats à l’élection présidentielle sont ainsi sur le devant de la scène depuis près de trente ans. Mais c’est tout de même un tournant majeur.
2016, l’année meurtrière
L’année 2016 restera donc dans les annales politiques. D’abord parce que jamais sous la 5ème République un président en condition de le faire n’avait renoncé à se présenter à sa propre succession. Une décision de François Hollande rendue quasiment inévitable par la défaite, onze jours plus tôt, de Nicolas Sarkozy dès le premier tour de la primaire de la droite. Privé de son meilleur ennemi, le seul sans doute contre qui il pouvait l’emporter à nouveau, et impopulaire comme jamais, le chef de l’Etat a dû se rendre à l’évidence : les Français ne voulaient pas d’un remake de 2012. Dans ces conditions, il s’exposait à une humiliation plus grande encore que celle infligée à son prédécesseur, en prenant le risque de perdre lors de la primaire organisée fin janvier par le Parti socialiste.
Exit donc les deux derniers présidents de la République, élus tous deux députés en 1988. Il y a donc 28 ans. Et pour l’un comme pour l’autre, l’avenir politique s’écrit en pointillés. Nicolas Sarkozy a d’ailleurs laissé entendre qu’il se retirait définitivement de la vie politique. "Il est temps pour moi d’aborder une vie avec moins de passions publiques et plus de passions privées", avait-il déclaré le 20 novembre au soir de sa défaite. François Hollande n’a pas fait part de ses intentions, mais difficile d’imaginer qu’il puisse briguer à nouveau le pouvoir suprême. L’exemple de Nicolas Sarkozy et celui, plus ancien, de Valéry Giscard d’Estaing, ne doit pas l’incliner à l’optimisme.
Pour Alain Juppé, la question de la retraite est définitivement réglée, et sa défaite peut-être plus cruelle encore. Car l’ancien Premier ministre, bien aidé en cela par des sondages flatteurs, croyait dur comme fer à sa victoire. Le voilà cantonné à son rôle de maire de Bordeaux, loin des considérations nationales. Au point d’ailleurs qu’il s’est refusé à réagir à la décision de François Hollande. "Je m'abstiendrai de tout commentaire. J'ai décidé de me retirer de la politique nationale pour l'instant sur ce sujet et sur tout autre", a réagi celui qui était devenu député, puis ministre dans la foulée, en 1986. Mais Alain Juppé étant âgé de 71 ans, il est fort à parier que ce "pour l’instant" dure éternellement.
Des dinosaures ? Il en reste
Pour autant, si ces trois-là en ont terminé avec la politique, il reste des personnalités qui sont dans l’action politique depuis de très nombreuses années. Si l’on s’en tient aux seuls candidats à l’élection présidentielle, deux d’entre eux sont loin d’être des perdreaux de l’année. François Fillon d’abord. Le candidat de la droite est un vrai professionnel de la politique. A 62 ans, l’ancien Premier ministre a fait toute sa carrière dans les affaires publiques. Depuis son élection à la députation en 1981, à 23 ans seulement, il a connu tous les mandats, du local au national et même européen, a été cinq fois ministre et une fois Premier ministre. Pas vraiment une figure du renouvellement.
Jean-Luc Mélenchon ensuite. Conseiller général en 1985 à 33 ans, puis sénateur dès 1986, le candidat de La France insoumise a aussi été ministre en 2000 et 2002. Il est aussi député européen depuis juillet 2009, après avoir occupé un siège au Sénat entre 2004 et 2010. Les Français connaissent donc le fondateur du Parti de gauche depuis bien longtemps.