L'annonce était attendue, elle n'a pas manqué de faire des vagues. Manuel Valls a déclaré mercredi matin qu’il voterait Emmanuel Macron dès le premier tour de l’élection présidentielle. "Je pense qu'il ne faut prendre aucun risque pour la République. Donc je voterai pour Emmanuel Macron […] Je prends mes responsabilités", a indiqué au micro de BFM TV le candidat malheureux à la primaire de la Belle Alliance Populaire, pointant "la marginalisation", selon lui, du vainqueur Benoît Hamon, à la tête d’une campagne électorale ancrée très à gauche, et relayé à la cinquième place dans les dernières enquêtes d’opinion. "Ce n'est pas un ralliement. C'est une prise de position responsable", a encore voulu préciser l'ancien locataire de Matignon. Pour la première fois dans l’histoire du PS, un ancien chef de gouvernement socialiste se tourne vers un candidat qui n’est pas issu des rangs de sa famille politique. De quoi faire bondir le camp Hamon et au-delà.
"Un homme sans honneur"
En participant à la primaire de la gauche, Manuel Valls s’était engagé, comme les six autres participants, à soutenir le vainqueur du scrutin, en l’occurrence l’ex-frondeur Benoît Hamon. "L'intérêt supérieur du pays, l'intérêt supérieur de la France, va au-delà des règles d'un parti, d'une primaire et d'une commission", a pourtant fait valoir mercredi l’ancien Premier ministre pour justifier sa décision, en rupture avec les règles du parti. "Chacun sait désormais ce que vaut un engagement signé sur l'honneur d'un homme comme Manuel Valls : rien. Ce que vaut un homme sans honneur", a immédiatement réagi sur Twitter Arnaud Montebourg, l’ancien ministre du Redressement productif qui lui aussi avait tenté sa chance à la primaire organisée par le PS avant de rallier Benoît Hamon à l’issue du premier tour. Sur Twitter, de nombreux internautes se sont fait l’écho des griefs d’Arnaud Montebourg, publiant des captures de la déclaration d’engagement signée par Manuel Valls début décembre.
Chacun sait désormais ce que vaut un engagement signé sur l'honneur d'un homme comme Manuel Valls : rien. Ce que vaut un homme sans honneur.
— ☰ Arnaud Montebourg (@montebourg) 29 mars 2017
Je pose sa là ... #Valls la gauche... ! Les mecs vont où leur intérêts personnel seront protégés ! C'est sa la politique ! pic.twitter.com/bY6Tk9sAx2
— GianyStark (@GianyStark) 29 mars 2017
"Un 49-3 médiatique pour casser la gauche"
La députée PS des Hautes-Alpes Karine Berger, soutien de Benoît Hamon, a dénoncé dans un tweet un comportement "minable", quand son collègue d’Indre-et-Loire, le frondeur Philippe Baumel, évoque "un dernier 49-3 médiatique pour casser la gauche". Une manière de rappeler que l’ancien locataire de Matignon avait passé outre l’opposition parlementaire de la droite et de l’aile gauche de la majorité pour faire adopter la loi Travail. "Manuel Valls, tu nous fais honte", a également tweeté Patrick Mennucci.
@manuelvalls tu nous fais honte.@JJBourdin_RMC
— Patrick Mennucci (@patrickmennucci) 29 mars 2017
De son côté, le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis s'est dit "triste" de la décision de Manuel Valls de soutenir Emmanuel Macron, appelant "tous les socialistes au calme". "Je suis triste de ne pas avoir réussi à convaincre Manuel Valls de ne pas soutenir Emmanuel Macron. Je combats cette position. Notre candidat, après la primaire et la convention unanime des socialistes, est Benoît Hamon", écrit-il dans un communiqué. Le responsable n’y parle pas de sanction, pourtant un temps évoquée contre les élus qui se tourneraient vers le candidat d’En Marche!. Dans une tribune publiée dans Le Monde, et signée par des soutiens importants de Benoît Hamon, comme l'économiste Thomas Piketty et la sociologue Dominique Méda, un collectif d'intellectuels et d'artistes a d’ailleurs dénoncé mercredi "le silence assourdissant" de la direction du PS et de son patron face aux défections qui se sont multipliées ces dernières semaines.
Pour la droite, "le gouvernement Hollande joue les prolongations"
À droite de l’échiquier politique, le rapprochement de Manuel Valls vers Emmanuel Macron est également pointé du doigt, et sert d’argument pour ramener l’ancien ministre de l’Économie dans le giron de François Hollande et du quinquennat. "Avec le ralliement de Manuel Valls, il est clair désormais que le gouvernement Hollande joue les prolongations. Besoin d'alternance !", a tweeté François Fillon, le candidat Les Républicains. "Manuel Valls a donc rallié Emmanuel Macron. La réalité de la candidature Macron apparaît dès lors au grand jour : c’est une vaste entreprise de recyclage des sortants du système", écrit pour sa part Marine Le Pen, la candidate frontiste, sur son blog. Une lecture relayée par son vice-président Florian Philippot qui, sur Twitter, voit dans l’attitude de Manuel Valls "la confirmation que Macron, c’est le système, le bilan, la continuité".
Quant à l’intéressé, réagissant au micro d’Europe 1 quelques minutes après l’annonce de Manuel Valls mercredi, il l’a "remerci[é]", précisant toutefois que voulant garantir "le renouvellement des visages et des pratiques", il ne gouvernerait pas avec l’ex-Premier ministre s'il venait à accéder à la fonction suprême.