Et si on regardait la campagne présidentielle par le prisme des réseaux sociaux ? C'est l'idée de chercheurs du CNRS qui ont mis au point le Politoscope, un outil qui permet d'analyser les comportements des communautés des cinq principaux candidats à l'élection présidentielle sur Twitter. Une autre manière de comprendre la stratégie de communication déployée par les candidats.
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Après avoir identifié et rassemblé en communautés les twittos qui gravitent autour des différents candidats, les chercheurs ont étudié les contenus de leurs posts (du 1er juillet 206 au 19 avril 2017) pour les classer selon plusieurs critères :
- le "capital de focus" qui est l'attention moyenne portée à un candidat par les communautés concurrentes.
- le "degré de prosélytisme" qui désigne les tweets mentionnant leur propre candidat.
- le "degré d'hostilité" qui mesure la tendance à combattre les idées ou les comportements des autres communautés et de leur candidat.
- le "degré d'idéalisme" qui regroupe les tweets mentionnant uniquement les idées de leur candidat sans référence à un autre parti.
Les candidats qui attirent le plus d'attention : Les candidats qui apparaissent dans le plus de tweets des communautés concurrentes depuis la fin de la primaire de la gauche sont Emmanuel Macron (16,66% en moyenne) et François Fillon (11,27%). Néanmoins l'attention qui leur est portée ne procède pas de la même dynamique.
Le "capital de focus" d'Emmanuel Macron est "plus stable et en moyenne beaucoup plus élevé" que celui de François Fillon. Il apparaît comme "le candidat au coeur des préoccupations des autres communautés", analysent David Chavalarias, Noé Gaumon et Maziyar Panahi, dans leur rapport publié jeudi.
Quant à François Fillon, on peut suivre les pics d'attention qui lui est portée en les comparant avec les révélations qui ont émaillé sa campagne. Les révélations du Canard Enchaîné sur les emplois fictifs présumés de Penelope Fillon le 6 février lui ont, par exemple, valu un pic d'attention à 36% contre 8% la veille. On observe le même phénomène pour le 1er mars, date à laquelle il a annoncé qu'il maintenait sa candidature (32,32% d'attention contre 6,48% la veille). Son "capital de focus" est donc plutôt en dents de scie.
La communauté la plus prosélyte : C'est la communauté de Marine Le Pen qui est de loin celle qui parle le plus d'elle-même, avec 40,14% de tweets qui concernent la candidate du Front national. Cette communauté apparaît également comme la plus prompte à critiquer les autres candidats.
La communauté de Jean-Luc Mélenchon, en revanche, est l'une des moins prosélytes puisque seuls 7,53% des tweets de sa communauté concernent le candidat de La France Insoumise. Ce qui ne l'empêche pas de faire preuve d'une certaine hostilité à l'égard de ses concurrents.
La moins hostile : C'est la communauté de Benoît Hamon qui est la moins hostile puisque seulement 18,67% des tweets le concernant font également référence à un autre candidat ou à un parti adverse. La priorité de cette communauté n'est pas d'attaquer les idées des autres mais de promouvoir celles de leur candidat. En moyenne, les communautés des autres candidats s'attaquent à leurs adversaires dans 33% de leurs tweets.
La plus idéaliste : Ce relatif détachement vis-à-vis de ses concurrents tend à montrer que la communauté de Benoît Hamon "se concentre sur le contenu des programmes et des idées dans l'absolu", analysent les chercheurs. Elle ne cherche pas à dénigrer ou commenter les propositions et les comportements de ses adversaires.
Seule contre tous : Les chercheurs qui ont compilé ces données notent un phénomène surprenant : par rapport à l'importance de la candidature de Marine Le Pen, "personne ne parle d'elle". Son "capital de focus" est relativement modeste, seulement 5,15% en moyenne sur le mois de mars.
Deux explications sont possibles : soit le Front national possède déjà un noyau dur de militants très fidèles mais difficile à élargir. Soit la présence de Marine Le Pen au second tour de l'élection est tellement acquise que le but de la campagne pour ses adversaires n'est plus de l'empêcher de se qualifier, mais de choisir le candidat qui lui sera opposé. Un objectif qui provoque plus de débats entre les autres candidats qui se disputent la deuxième place.
Une campagne à deux camps : Une dynamique dans laquelle les chercheurs du Politoscope voient un risque. À force de combattre les idées des uns et des autres, les autres candidats affaiblissent un potentiel "front républicain" à former à l'issue du premier tour pour contrer Marine Le Pen et ils laissent toute la place à la candidate du Front national pour développer ses propres propositions.