C’est un véritable feuilleton qui s'est joué autour de l’interdiction de manifester jeudi à Paris contre la loi Travail. L'interdiction prise par la préfecture de Paris a finalement été levée mercredi midi par le ministère de l’Intérieur. La manifestation aura donc bien lieu jeudi après-midi et fera une boucle entre la place de la Bastille et le port de l’Arsenal. Une décision qui fait suite à de longues tergiversations, car le président de la République a été plus qu’hésitant.
Deux ministres en désaccord. Dès mardi soir, François Hollande appelle Bernard Cazeneuve et Manuel Valls pour recueillir leur avis sur cette interdiction. Mais les deux ministres ne sont pas du tout d’accord sur la question. D’un côté, le Premier ministre est en faveur de l’interdiction. Pour lui, qui dit manifestation dit casse et dit donc reproches au gouvernement. De l'autre côté, le ministre de l’Intérieur est opposé à toute interdiction. Pour Bernard Cazeneuve, cela serait synonyme d’un basculement vers un autre conflit que celui portant. Il pense en effet que la question de la liberté publique risque de braquer la gauche.
Une volte-face. Résultat, c’est François Hollande qui a doit trancher mercredi matin. Et il le fait en faveur de la ligne Valls, un choix suivi peu de temps après par un communiqué de la préfecture de police de Paris qui officialise la ligne dure empruntée par le gouvernement. S’en suivent alors des réactions d’indignation en cascade, allant même jusqu’à la CFDT, pourtant jusque-là du côté du gouvernement. Soit exactement ce que redoutait Bernard Cazeneuve. En conséquence, l'interdiction est levée une heure plus tard par le ministère de l'Intérieur, qui trouve finalement un accord avec les syndicats sur un trajet raccourci de la manifestation. Un parcours pour lequel l’Elysée donne son feu vert.
Deux François Hollande cohabitent. C'est donc une volte-face pour le président de la République qui s'explique par plusieurs raisons. Nous sommes depuis quelques jours face à une situation politique inédite, une sorte de cohabitation à l’Elysée avec deux François Hollande : le président et le candidat à la primaire. En effet, jusque-là, jamais un président sortant de la cinquième République n’avait eu à se soumettre à une primaire organisée par son propre parti. Résultat : le président perd en crédibilité et en force de persuasion. Mardi soir, le président assumait l'interdiction de manifester en raison de l'état d'urgence, de la menace terroriste ou encore de la situation historique. Une position tenable jusqu'à mercredi matin, où finalement c'est son rôle de candidat qui l'a rattrapé. En effet, à quelques mois de la primaire, il ne serait pas prudent de braquer la gauche en ébranlant le droit de manifester.