Six mois après la réélection d'Emmanuel Macron, Nicolas Sarkozy, qui l'a soutenu lors de la présidentielle, a accepté de répondre aux questions du Journal du dimanche (JDD). L'ancien président de la République reste à l'affût de la vie politique, et partage son analyse sur les premiers mois du second mandat d'Emmanuel Macron. Il réagit également au meurtre de la petite Lola, "un acte ignoble", et s'agace de la part importante des Obligations de quitter le territoire (OQTF) qui ne sont pas exécutées. Europe 1 propose quelques passages forts de cet entretien.
Sur son soutien à Emmanuel Macron : "Si c'était à refaire, je le referais"
Nicolas Sarkozy ne regrette pas d'avoir glissé un bulletin au nom d'Emmanuel Macron lors du second tour de la présidentielle. "Comme chacun le sait, je l'ai soutenu. Et si c'était à refaire, je le referais", explique l'ancien président. Qui poursuit : "La politique n’est jamais un choix de valeur absolue, toujours un choix de valeur relative." S'il "ne voulait pas" de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Le Pen, l'homme politique de 61 ans estime qu'aider Macron était "dans l'intérêt de la France, la meilleure décision possible".
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Toutefois, il garde une certaine distance avec l'actuel locataire de l'Élysée. "Est-ce à dire que je suis d’accord avec tout, ou satisfait de tout ? C’est une autre histoire", avance-t-il à nos confrères du JDD. Lors de cette présidentielle, la candidate des Républicains, Valérie Pécresse, a réalisé un score extrêmement bas au premier tour. "Pour pouvoir choisir un candidat au second tour, encore fallait-il qu’il y soit qualifié. Ou qu’il ait une chance crédible de l’être", assène l'ancien président de la République.
Sur Emmanuel Macron : "J'aimerais parfois qu'il franchisse le Rubicon"
S'il souligne les qualités "de sang-froid, de mesure et d'expérience" d'Emmanuel Macron, tout en rappelant qu'il vient de la gauche, Nicolas Sarkozy "aimerait parfois qu'il franchisse le Rubicon de façon plus franche, car la France est aujourd’hui majoritairement du côté du parti de l’autorité, de la fermeté, de la liberté (...). Si j’avais un souhait, c’est que la matrice politique du président se rapproche davantage de la matrice du pays telle que je la ressens", ajoute-t-il.
Pour qu'il franchisse ce Rubicon, l'ancien président des Républicains note qu'Emmanuel Macron "a des intuitions et une expérience incontestables. Mais j’observe qu’il peut parfois avoir la tentation de s’arrêter au milieu du gué. Ce sont les inconvénients du 'en même temps'", tacle Nicolas Sarkozy.
Le meurtre de Lola, "un drame absolu"
"J’ai appris avec effarement ce qui était arrivé à Lola. J’ai, comme tout père d’une petite fille du même âge, pensé que cela aurait pu lui arriver", affirme Nicolas Sarkozy dans le JDD. "Les fous, les barbares, hommes ou femmes, cela a toujours existé. J’aimerais qu’on ne mélange pas tout", continue l'ex-chef de l'État, rejetant la question sensible du faible taux d'exécution des OQTF dans cette affaire.
"La non-exécution des décisions de quitter le territoire n’est pas la question. J’aurais été tout autant bouleversé si cet acte ignoble avait été commis par un Français", appuie l'ancien locataire de l'Élysée. Pour lui, "la mort de Lola, quel que soit le criminel, est un drame absolu. Mais je veux ajouter que si Lola était toujours en vie, je serais quand même scandalisé par la non-exécution des reconduites à la frontière", tient-il à ajouter.
"À mon époque, les OQTF n'étaient pas à 6% d'exécution"
Dans l'affaire du meurtre de Lola, la principale suspecte était concernée par une Obligation de quitter le territoire. "Cela fait longtemps qu’on aurait dû se préoccuper de la non-exécution des reconduites à la frontière", expose Nicolas Sarkozy, revenant sur son passage à l'Élysée. "J’avais changé la législation. J’ai été littéralement insulté pendant les cinq années de mon mandat par tous les 'droits de l’hommistes' parce que nous allions jusqu'à organiser des charters de reconduite dans les pays d’origine."
Avant de pointer du doigt le bilan de "successeur immédiat", sous-entendu François Hollande. "À mon époque, les OQTF n’étaient pas à 6% d’exécution, même s’il y avait des progrès à faire. Tout l’arsenal législatif pour lutter contre l’immigration irrégulière que nous avions mis en place a été systématiquement démantelé par mon successeur immédiat. Gérald Darmanin a raison de réclamer davantage de fermeté", assure Nicolas Sarkozy.
Sur la poursuite de la guerre en Ukraine : il faut "hélas" s'en inquiéter
L'ancien chef de l'État aborde également la guerre en Ukraine, et pour lui, il faut "hélas !" s'inquiéter. "J’aimerais qu’un jour, quelqu’un m’explique ce que veut dire 'faire la guerre sans la faire'", lance-t-il. "S’il y a une notion qui devrait exiger de la clarté, c’est celle de la guerre et de la paix. Soit on fait la guerre, soit on fait la paix. Allier les deux n’a pas grand sens. En tout cas, quand on les utilise en même temps", expose Nicolas Sarkozy.
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Il affirme en outre qu'Emmanuel Macron "a parfaitement raison de vouloir conserver le contact avec Vladimir Poutine. Comment arrêter la guerre sans parler aux belligérants ?", ajoute celui qui avait notamment rencontré le maître du Kremlin en tant que président de la République, en juin 2007.
Sur la crise de l'énergie : le résultat d'un "choix stratégique irresponsable"
Parmi les sujets évoqués avec nos confrères du JDD, Nicolas Sarkozy s'est exprimé sur la crise énergétique que traverse la France. Si le pays est menacé par des coupures d'électricité cet hiver, pour l'ex-locataire de l'Élysée, ce risque "est le résultat d’un choix stratégique irresponsable, en rupture complète avec l’histoire de la Ve République. Tous les présidents, y compris François Mitterrand (...) ont soutenu le nucléaire. Jusqu’à François Hollande qui, pour séduire les écologistes, a pris le risque insensé de suspendre l’avenir de filière nucléaire française", fustige Nicolas Sarkozy.
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Toutefois, quand il a été décidé de fermer la centrale de Fessenheim sous le premier quinquennat Macron, "le train était hélas bien lancé quand (Emmanuel Macron) a pris en main les rênes de l’État. Depuis, il a changé d’avis… dans le bon sens", remarque l'homme politique, qui garde donc un œil avisé sur la vie politique française.