Jean-Luc Mélenchon grimpe, et les marchés tremblent. Depuis la percée du candidat de La France insoumise, depuis que sa victoire à la présidentielle est passée d’improbable à envisageable, le monde de la finance tremblerait sur ses bases. La preuve ? Le taux d’emprunt de la dette française à 10 ans s’est récemment envolé par rapport à celui de l’Allemagne, au point que le spread, l’écart entre les deux courbes, a augmenté à 70 points de base, relevait mardi Les Echos. "Même si cette progression ne remet pas en cause l'idée d'un second tour entre Le Pen et Macron, la vitesse de la hausse de Mélenchon dans les sondages pourrait mettre la pression sur la dette française", explique la Société Générale dans les colonnes du quotidien économique.
Mélenchon et ses hologrammes inquiètent les marchés. Le spread France-Allemagne augmente à 70 pdb >> https://t.co/bQypP2oORGpic.twitter.com/zsJtqgX50e
— Etienne Goetz (@etiennegoetz) 10 avril 2017
Il faut dire que le programme économique de l’eurodéputé a de quoi donner des sueurs froides aux libéraux de tous poils : taxation à presque 100% des revenus au-dessus de 360.000 euros annuels, revalorisation du Smic de 16%, plafonnement des salaires… sans compter la remise en cause de la politique de rigueur budgétaire imposée par l’Union européenne. Et la flambée de Jean-Luc Mélenchon se combine avec la stabilité à un très haut niveau d’une Marine Le Pen qui, notamment pour sa volonté de sortir de l’Union européenne, n’est pas non plus adoubée par les places boursières. De là à dire que les marchés paniquent à l’idée de voir Jean-Luc Mélenchon prendre le pouvoir en France, il y a qu’un pas que les acteurs du monde de la finance se refusent à franchir.
"Je trouve ça plutôt rigolo". Exemple au pied de l’impressionnante tour de la Société Générale, à La Défense, le centre névralgique de la finance dans l’Hexagone. A l’heure de la pause déjeuner, les élections ne sont pas franchement dans toutes les conversations. "On en parle, forcément, mas comme on parle de beaucoup d’autres choses", nous assure un cadre de la banque, quinquagénaire fringant, costume cravate impeccable. L’homme n’a pas l’air plus inquiet que cela. "Et puis il y a toujours une incertitude à l’approche des élections", relativise-t-il, cigarillo aux lèvres. "Je trouve ça plutôt rigolo. C’est bien normal que les jeunes soient révolutionnaires, heureusement".
Cet employé a donc, semble-t-il, le même humour que… Jean-Luc Mélenchon lui-même. "Quand je lis que je suis devenu un ‘risque’ pour la sphère financière au point de faire augmenter la différence de taux auquel on prête à l’Allemagne et à la France, j’éclate de rire ! Quelle trouvaille", a écrit mercredi le candidat sur son blog. "Les marchés ne se soucieraient pas de l’exposition différente de l’Allemagne et de la France dans le conflit en Syrie, 24 heures après le bombardement de Trump ! Mais ils frémissent deux heures après que j’ai gagné un point dans un sondage. Naturellement, pas une personne sérieuse ne peut croire une telle fable", poursuit l’eurodéputé.
"Le ‘spread’, c’est avéré". Cette "fable", pourtant, certains y croient. "Le ‘spread’ entre les obligations française et allemande, il y a un lien avec la percée de Jean-Luc Mélenchon, oui, c’est avéré", affirme Edgard, pas encore trentenaire, et qui travaille à la direction des risques à la Société Générale. "Les marchés écoutent les grands influenceurs comme Pierre Gattaz. Alors quand le patron du Medef dit que Jean-Luc Mélenchon, c’est une catastrophe, les marchés réagissent, forcément", assure le jeune homme, costume-cravate impeccable, lui aussi. Pour être précis, Pierre Gattaz a mis Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Marine Le Pen dans le même sac. "Nous avons trois (candidats) qui vont vers la catastrophe absolue", a-t-il jugé mardi sur Europe 1.
"Tout a été anticipé". Julien, collègue d’Edgard, qui marche avec lui d’un pas pressé vers l’un des innombrables restaurants du parvis de La Défense, est sur la même ligne. "Jean-Luc Mélenchon a de bonnes idées, mais sur le plan économique, c’est une catastrophe", tranche le jeune homme, en costume-cravate impeccable, évidemment. Pas d’inquiétude pour autant. "Là, il y a une incertitude, mais tout cela sera corrigé après l’élection", affirme-t-il. Même si Jean-Luc Mélenchon est élu ? "Ah non, là ça ne vas pas se corriger, ça risque plutôt de s’aggraver", rigolent les deux jeunes collègues. Mais là encore, pas de crainte. "Vous savez, de toute façon, tout a été anticipé", affirme Julien. "Tous les scénarios ont été prévus. Alors que ce soit Le Pen ou Mélenchon, on ne perdra pas d’argent." Ouf !