La présidentielle est à peine terminée que démarrent les tractations pour les législatives. Entre les bisbilles à l'extrême gauche et les déchirures à droite, entre l'investiture de Benoît Hamon et l'avenir de Marine Le Pen, Europe1.fr fait le point.
- Que va faire Benoît Hamon pour les législatives ?
L'ex-candidat à la présidentielle sera candidat aux législatives. Il a été investi par le Parti socialiste dans la 11e circonscription des Yvelines, dont il est déjà le député depuis 2012. Après les législatives, début juillet, Benoît Hamon compte "lancer un mouvement pour reconstruire une gauche inventive". Il n'a cependant pas précisé s'il s'agirait d'une initiative au sein du PS ou en dehors.
- Pourquoi le PCF et la France Insoumise n'ont pas scellé d'accord ?
Il y a de l'eau dans le gaz à la gauche du PS. Mardi, le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, la France Insoumise, a annoncé qu'il n'y aurait pas d'accord avec le Parti communiste pour les législatives. "Pierre Laurent [leader du PCF] a décidé de rompre les discussions sur les candidatures", a déploré Manuel Bompard, directeur des campagnes de la France Insoumise, dans un communiqué, se disant "excédé par des combinaisons sans principe".
Du côté du PCF, on dément être à l'origine de la rupture des discussions. "Cette rupture, ni moi ni la direction du PCF ne l'avons ni décidée, ni souhaitée", a-t-il rectifié mercredi. "Pierre Laurent ment", a tonné Jean-Luc Mélenchon de son côté.
En réalité, les désaccords remontent à bien longtemps. Début 2016, Jean-Luc Mélenchon s'était lancé seul, sans l'appui des communistes, dans la course à l'Élysée. Ce qui n'avait guère plu à un PCF plutôt partant pour participer à une grande primaire à la gauche de la gauche. Finalement, le PCF n'avait soutenu Jean-Luc Mélenchon que du bout des lèvres. Et pour les législatives, le parti refuse de se soumettre aux exigences du leader de la France Insoumise, qui souhaite faire campagne avec un programme commun (celui de l'Avenir en commun porté par Jean-Luc Mélenchon), un mot d'ordre commun (le slogan de Jean-Luc Mélenchon) et un logo commun (celui de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon).
- Jean-Luc Mélenchon a-t-il raison de se présenter à Marseille ?
Le quatrième homme de la présidentielle a annoncé mercredi sur BFM TV qu'il serait candidat "assez probablement" à Marseille. Ce choix ne se fait pas au hasard : c'est l'une des trois grandes villes, avec Toulouse et Lille, où il est arrivé en tête au premier tour le 23 avril, avec 24,82%. Dans la septième circonscription, qui correspond aux quartiers nord de la cité phocéenne, Jean-Luc Mélenchon a recueilli 38% des suffrages. Dans la quatrième, en centre-ville, 39%. D'un point de vue électoral, cela se justifie donc. Symboliquement, c'est fort aussi : c'est à Marseille que la France Insoumise a réussi à faire reculer le FN et l'abstention.
Le comité d'organisation de ma campagne pense que je dois être candidat aux #legislatives2017 pour continuer la bataille.#BourdinDirect#RMC
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 10 mai 2017
En revanche, les accusations de parachutage ne manqueront pas de pleuvoir si Jean-Luc Mélenchon décide effectivement de se présenter là-bas. Toute sa carrière politique s'est d'abord construite dans l'Essonne (dont il a été conseiller général, puis sénateur et président du conseil général). Lorsqu'il a été élu eurodéputé, en 2009, c'était dans le Sud-Ouest. Aux législatives de 2012, il s'était présenté dans le Pas-de-Calais face à Marine Le Pen. Le principal intéressé a déjà contre-attaqué avec ironie, mercredi. "Je suis parachuté partout. Je suis partout chez moi. La France est ma patrie."
- Qui est candidat pour La République en marche (LREM) ?
La liste définitive sera dévoilée jeudi midi par la commission nationale d'investiture du mouvement. Pour l'heure, on ne connait que 14 noms, dévoilés début avril par Emmanuel Macron lui-même sur le plateau de "L'Émission politique" de France 2. Parmi eux, des profils très variés : un sociologue, deux avocates, un ancien patron du Raid ou encore un agriculteur.
Pour le reste, seuls les critères de choix sont connus. La parité sera respectée, les candidats doivent présenter un casier judiciaire vierge et la moitié d'entre eux sont censés être issus de la société civile. "Censés", car sur ce point-là, les consignes n'ont pas l'air d'être claires pour tout le monde : Jean-Paul Delevoye, président de la commission nationale d'investiture, a déclaré lundi que cela désignait des candidats dont c'était "la première élection législative". Mais qui pourraient donc déjà être élus à d'autres fonctions, comme une mairie ou un conseil départemental par exemple. Richard Ferrand, secrétaire général de LREM, a quant à lui déclaré qu'il ne fallait avoir "aucun mandat, d'aucune sorte".
Quid des candidats qui appartiennent déjà à un autre parti, au hasard le PS ou LR ? Richard Ferrand a rappelé qu'ils devaient absolument se présenter sous la bannière du parti et siéger au sein de son groupe en cas d'élection. C'est indispensable afin que LREM puisse constituer un groupe, mais aussi recevoir de l'argent –les subventions publiques d'un parti dépendant de son nombre de députés. Seule exception : les candidats MoDem, qui garderont leur étiquette et leur groupe, puisqu'un accord a été conclu avec le parti de François Bayrou. En revanche, les socialistes et les républicains qui voudraient se présenter sous la bannière LREM ne sont pas obligés de déchirer la carte de leur parti d'origine.
- Y aura-t-il des candidats LR pour LREM ?
C'est compliqué. Officiellement, ce n'est pas possible. François Baroin, fer de lance de la campagne de la droite et du centre, a prévenu tous ceux qui, chez LR, seraient tentés de se présenter pour LREM, qu'ils seraient exclus de la famille. Et retrouveraient un candidat "100%" LR face à eux. Bruno Le Maire, qui avait osé afficher publiquement son intention de "travailler dans une majorité de gouvernement", a été rapidement rappelé à l'ordre.
Officieusement pourtant, les tractations vont bon train, explique Le Monde. Franck Riester, candidat en Seine-et-Marne, ou Thierry Solère, investi dans les Hauts-de-Seine, tous deux proches de Bruno Le Maire, seraient tentés. Et ils ne sont sûrement pas les seuls. Mais pour eux, il faut des gages avant de franchir le Rubicon. Notamment celui qu'Emmanuel Macron choisira un Premier ministre de droite.
- Sous quelle étiquette Manuel Valls va-t-il se présenter ?
Là aussi, c'est complexe. Aujourd'hui, Manuel Valls est député de la première circonscription de l'Essonne, circonscription dans laquelle personne n'a été officiellement investi par le PS pour lui laisser la possibilité d'y aller. En tant que candidat socialiste, donc.
Mais Manuel Valls préfèrerait partir avec l'étiquette de LREM. L'ancien Premier ministre a annoncé mardi qu'il serait "candidat de la majorité présidentielle". Le problème, c'est que du côté de LREM, on ne voit pas sa candidature d'un bon œil. "À ce jour, il n'est pas dans les critères d'acceptation de sa demande d'investiture", a déclaré Jean-Paul Delevoye mercredi matin sur Europe 1. "La commission nationale d'investiture ne peut pas analyser [sa] candidature." Par ailleurs, "nous n'avons pas vocation à recycler" les politiques sortants, a asséné le responsable des investitures de la REM.
Parallèlement, le PS a lancé une procédure à l'encontre de Manuel Valls pour le "déferrer devant la commission des conflits" et, éventuellement, l'exclure du parti. Une procédure liée à son refus de soutenir Benoît Hamon après la primaire. Pour l'instant, l'ancien Premier ministre n'a donc pas d'étiquette.
- Les Républicains peuvent-ils obtenir une majorité à l'Assemblée ?
Pour avoir la majorité, il faudrait que LR obtiennent 289 députés. C'est toujours possible, mais cela ne s'annonce pas aisé. Pour y parvenir, il est indispensable que la droite ne parte pas en ordre dispersé. Or, plusieurs candidats sont tentés de se présenter plutôt sous la bannière de LREM.
Pour l'instant, un premier sondage publié dimanche soir par Kantar-Sofres Onepoint crédite LR de 22% des suffrages, derrière En Marche! (24%) et devant le Front national (21%). Mais l'enquête est à prendre avec des pincettes puisque les personnes interrogées sont invitées à se prononcer pour un parti, et non pour un candidat précis, alors que la personnalité joue beaucoup pour des élections locales. En outre, elle a été réalisée avant d'avoir les résultats du second tour de la présidentielle.
- Le retrait de Marion Maréchal-Le Pen peut-il plomber le FN ?
La nièce de Marine Le Pen a officiellement annoncé mercredi matin qu'elle ne se représenterait pas dans la troisième circonscription du Vaucluse, où elle est actuellement élue. Invoquant des raisons personnelles et politiques, la députée dit "aspirer à travailler dans le monde de l'entreprise". Ce retrait, vécu comme une "désertion" par son grand-père Jean-Marie Le Pen, est un coup dur pour le Front national. Marion Maréchal-Le Pen en était en effet l'une des élues les plus populaires, mais surtout la seule députée avec l'étiquette FN (Gilbert Collard étant Rassemblement bleu marine).
Surtout, quand bien même les responsables frontistes se relaient inlassablement depuis cette annonce pour assurer qu'il n'en est rien, la décision de la jeune femme est symptomatique des divisions internes au FN. Elle qui incarne une ligne catholique conservatrice s'est, à plusieurs reprises, opposée à Florian Philippot, vice-président du parti, pendant la campagne. Ce fut le cas, notamment, sur des sujets comme le remboursement de l'IVG. "Marion a été écœurée par la façon dont elle a été mise à l'écart", confie ainsi un membre du conseil stratégique qui a dirigé la campagne présidentielle au Monde. Si le retrait de la députée du Vaucluse n'est pas la cause d'un mal-être interne, il en est en tout cas une illustration.
- Marine Le Pen va-t-elle se présenter ?
En 2012, Marine Le Pen, éliminée dès le premier tour de la présidentielle, s'était présentée aux législatives dans la onzième circonscription du Pas-de-Calais. Elle avait été battue au second tour. Cinq ans plus tard, va-t-elle retenter le coup ? Sa décision n'est pas officiellement connue, et le plus grand flou subsiste autour de la question. Même les cadres locaux du FN semblent n'en rien savoir. Lundi matin, Philippe Eymery, président du groupe frontiste au conseil régional des Hauts-de-France, déclarait sur France Bleu que "ce n'est pas un scoop mais Marine Le Pen sera très certainement candidate à Hénin-Beaumont". Avant de se rétracter une heure et demie plus tard.
Sa décision sera prise notamment en fonction de la probabilité pour le FN d'arriver à constituer un groupe parlementaire, ce qui nécessite 15 députés.