Qu'ils sont loin, ces deux dimanches de novembre, pendant lesquels François Fillon avait semblé marcher sur l'eau. Le 20 d'abord, lorsque, déjouant tous les pronostics, il s'était qualifié pour le second tour de la primaire à droite, volant au passage la première place au favori Alain Juppé. Le 27 ensuite, lorsqu'il avait remporté largement le scrutin, empochant 66,5% des suffrages exprimés de plus de 4,5 millions de Français.
Moins d'un mois plus tard, la donne a changé. Certes, François Fillon conserve le costume de favori pour la présidentielle 2017, mais celui-ci devient lourd à porter. Le vainqueur de la primaire à droite est la cible de toutes les attaques. Sa proximité avec la Russie, le volet santé de son programme mais aussi sa gestion du parti Les Républicains sont très critiqués, tant par ses opposants que par les membres de sa propre famille politique. Et si, selon un récent sondage Ifop, plus d'un Français sur deux (55%) pensent toujours qu'il deviendra le prochain président, ils ne sont que 28% à le souhaiter véritablement.
Des reproches sur ses positions "prorusses"... Lundi matin, François de Rugy, candidat à la primaire de la gauche, a remis une pièce dans la machine sur l'affaire russe. François Fillon a déjà été attaqué à de nombreuses reprises sur son positionnement à l'égard de Vladimir Poutine, avec lequel il souhaite entretenir des liens plus étroits que ce n'est fait actuellement, notamment pour sortir de la crise syrienne. L'ancien Premier ministre "a des positions pro-russes", a résumé François de Rugy sur Europe 1. "Par ailleurs, on sait depuis quelques jours qu'il a une activité de conférences, de conseil" et "qu'il a fait des conférences en Russie". L'ancien membre d'Europe Ecologie-Les Verts a donc pointé un risque de conflit d'intérêts, appelant à la "transparence" sur la provenance des revenus de l'activité de conseil du candidat à la présidentielle. Ce que les partisans de François Fillon ont immédiatement démenti.
…qui viennent aussi de droite. Quelques jours plus tôt, Jean-Marc Ayrault avait, lui, fustigé les positions de François Fillon en matière de politique étrangère. "Il montre un cynisme glacial alors qu'aujourd'hui, il faut un petit peu de générosité", s'était-il insurgé sur RTL jeudi. Mais la critique n'est pas l'apanage des opposants politiques. À droite aussi, le rapprochement avec Moscou prôné par François Fillon ne fait pas l'unanimité. "Il n'y a pas de valeurs convergentes avec la Russie", estime ainsi l'eurodéputé LR Arnaud Danjean dans les colonnes du JDD. "Fillon est fasciné par Poutine", poursuit un conseiller d'Alain Juppé auprès de l'hebdomadaire du dimanche. Avant de se plaindre du "chantage quasi quotidien des prorusses auprès des élus du parti [LR] pour faire alliance avec Poutine".
Reculade sur la Sécu. Autre sujet sensible : celui du programme santé de François Fillon. Le candidat proposait de concentrer les remboursements de la Sécurité sociale sur les affections graves et de longue durée. Et donc de dérembourser les maladies bénignes, en mettant plutôt à contribution les complémentaires santé. Des mesures qui ont fait bondir la gauche, évidemment, mais aussi la droite, Bernard Accoyer, nouveau secrétaire général des Républicains nommé par François Fillon lui-même, appelant à une "clarification". Finalement, le vainqueur de la primaire a tenté d'éteindre l'incendie en signant une tribune dans Le Figaro, la semaine dernière, puis en supprimant de son site internet la mesure controversée. "Il revient à la position gaulliste de la Sécurité sociale, je salue cette clarification", a déclaré Jean-Pierre Raffarin au micro d'Europe 1.
Mais cette reculade fait le bonheur de ses opposants politiques. "On ne peut pas changer de programme et de projet entre la primaire et devant les Français", a lâché Manuel Valls, descendu tracter dans les rues de Paris dimanche. "Ça, c'est du cynisme, ça, ce n'est pas honnête."
Bisbilles au sein du camp Républicain. François Fillon n'est pas critiqué uniquement pour son programme. La gestion de son équipe de campagne, dont l'organigramme a été dévoilé le 15 décembre, est aussi l'objet de controverses. Et cette fois, les tirs les plus violentes viennent de ses (supposés) alliés. Laurent Wauquiez, devenu premier vice-président des Républicains après la victoire de l'ancien Premier ministre à la primaire, a dénoncé une "purge méthodique" des sarkozystes. "On ne peut prétendre au rassemblement avec un organigramme essentiellement construit autour des fillonistes historiques en y ajoutant simplement les principaux porte-flingues de Juppé", a regretté le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes dans le JDD ce week-end.
François Fillon a eu beau garder une place dans son équipe pour Gérald Darmanin, Eric Ciotti, François Baroin et Eric Woerth, tous les quatre fervents soutiens de Nicolas Sarkozy, cela n'est pas suffisant aux yeux de Laurent Wauquiez, qui a prévenu que les anciens partisans de l'ex-président pouvaient se sentir "humiliés".
Service après-vente. Leur champion pris dans la tourmente, plusieurs soutiens de François Fillon ont été dépêchés dans les médias pour prendre sa défense. Filloniste historique, Jérôme Chartier a ainsi répété dimanche sur RTL que son candidat et Vladimir Poutine "ne sont pas des amis" et que l'ancien Premier ministre n'avait "pas touché d'argent lorsqu'il est allé donner une conférence en Russie". "Il n'a reçu aucune rémunération ni de l'État russe, ni d'une organisation russe, ni d'une entreprise russe", a confirmé Thierry Solère, porte-parole de François Fillon, sur Europe 1 lundi.
Sur le projet santé, c'est Benoist Apparu (juppéiste au départ) qui a fait le service après-vente, lundi, au micro de RTL. "Il y avait une incompréhension sur le sujet. François Fillon a dit 'ok, je ferme le dossier et je rouvre le débat sur cette question-là'. Nous allons organiser une convention dans les semaines qui viennent pour remettre à plat l'ensemble du projet." Tous voient surtout dans ces polémiques des manœuvres de l'opposition pour discréditer un candidat trop haut dans les sondages. "Le seul moyen que trouvent les uns et les autres de mettre du napalm dans la vie politique, c'est en caricaturant, en diffamant", s'est insurgé Thierry Solère, dans une tentative de mettre fin à de "fausses polémiques qui n'ont pas lieu d'être".