La famille de Maurice Audin et le PCF l'attendaient depuis 61 ans : Emmanuel Macron va reconnaître jeudi que ce mathématicien communiste militant de l'indépendance de l'Algérie, disparu en 1957, "est mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France".
Une visite officielle auprès de la veuve Audin. Le chef de l'État est attendu jeudi à la mi-journée à Bagnolet, au domicile de la veuve de Maurice Audin, pour lui remettre une déclaration en ce sens, a précisé jeudi l'Élysée, confirmant une annonce sur France Inter du mathématicien et député LREM Cédric Villani, un proche de la famille qui avait toutefois été un peu plus loin en parlant d'une "reconnaissance de la responsabilité de l'État" dans son décès. Emmanuel Macron va également annoncer à cette occasion "l'ouverture des archives sur le sujet des disparus civils et militaires, français et algériens", selon l'Elysée.
Une disparition jusque-là inexpliquée. La disparition de Maurice Audin est l'une des plus mystérieuses de la guerre d'Algérie. Le 11 juin 1957, cet assistant de mathématiques à la faculté d'Alger et membre du Parti communiste algérien, suspecté d'aider le FLN, était arrêté, probablement par des parachutistes du général Jacques Massu, pendant la bataille d'Alger. Sa trace était perdue dix jours plus tard.
Aucune explication officielle ne sera donnée sur la disparition de ce père de trois enfants, si ce n'est "son évasion au cours d'un transfert". Sa femme Josette a déposé plainte contre X pour homicide volontaire à Alger et un comité de soutien s'est constitué autour d'elle. Les défenseurs d'Audin devront attendre 2013 pour obtenir une première victoire avec l'ouverture des archives concernant l'affaire décidée par François Hollande.
Dans La vérité sur la mort de Maurice Audin, paru en janvier 2014 le journaliste Jean-Charles Deniau concluait que Maurice Audin avait été tué par un sous-officier français sur ordre du général Jacques Massu, patron de la 10ème division parachutiste (DP) pendant la bataille d'Alger. Un ordre répercuté par Paul Aussaresses, un autre général, qui avait revendiqué plus tard l'usage de la torture en Algérie.
Une "victoire historique de la vérité", selon Laurent. Le geste du président, à la veille de l'ouverture de la Fête de l'Humanité, et le jour de l'annonce du plan pauvreté, a été immédiatement salué à gauche, et au premier chef par le Parti communiste qui plaide depuis des décennies aux côtés de la famille. Pierre Laurent y voit "une victoire historique de la vérité et de la justice", se réjouissant que tombe "un mensonge d'État qui durait depuis 61 ans".
Une nouvelle "guerre des mémoires" ? La décision historique d'Emmanuel Macron risque-t-elle de raviver la guerre des mémoires, comme l'avait fait sa déclaration en février 2017, lorsque le candidat à la présidentielle avait qualifié la colonisation de l'Algérie de "crime contre l'humanité" ?
"La France est grande quand elle affronte sereinement tout son passé", a estimé le député PS Boris Vallaud sur Twitter. Mais pour le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau, qui réagissait sur RTL, si "il ne faut jamais craindre la vérité, (...) il ne faut pas instrumentaliser l'histoire, ce qui est souvent un sport national français, pour se battre la coulpe à perpétuité."
"Macron commet un acte de division, en pensant flatter les communistes", s'est indignée Marine Le Pen, la présidente du Rassemblement national (RN, ex FN), au micro du Talk du Figaro. "Quel est l'intérêt pour le président de la République de rouvrir des blessures, en évoquant le cas de Maurice Audin ? Il souhaite surfer sur la division des Français, au lieu de les réunir dans un projet".