LA PHOTO - "Entre Macron et Mélenchon, un moment réellement sincère”

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Loin de la rencontre électrique que l’on aurait pu attendre, Ludovic Marin, photographe à l’AFP, dévoile les coulisses de l’entretien "apaisé" entre Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon.

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Pendant que l’un signait les ordonnances de la réforme du travail, l’autre descendait dans la rue pour dénoncer une “casse sociale”. Ce n’est un secret pour personne : sur le plan politique, Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon n’ont pas grand-chose en commun. Alors quand les deux hommes se rencontrent à l’Elysée mardi, on s’attend à une rencontre électrique. Mais dans le secret du bureau du président de la République, les deux hommes ne se sont pas écharpés, loin de là. Ludovic Marin, photographe de l’AFP qui suit le chef de l’État, dévoile les coulisses d’un entretien "apaisé".

  • Le contexte : les politiques défilent à l’Élysée

"Le président a consulté les responsables des différentes formations politiques dans le cadre des prochaines élections européennes. Jean-Luc Mélenchon est passé le deuxième jour, en fin de journée, entre François Bayrou et Marine Le Pen. Ce n’était pas le premier rendez-vous de la série que je faisais. La veille, j’avais fait déjà fait les photos dans le bureau avec Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Christophe Lagarde et Christophe Castaner. Plus des photos sur le perron de François De Rugy et Marine Le Pen, entre autres.

Jean-Luc Mélenchon est arrivé à pied depuis le poste de garde, ce qui indique qu’il n’est pas venu en voiture. Il est passé par l’endroit où les visiteurs sont fouillés puis il a traversé la cour de l’Elysée à pied, là où d’autres se font déposer en voiture directement sur le perron. Il était accompagné de Charlotte Girard, l’une des porte-parole de la France Insoumise. Immédiatement, on sent Mélenchon très détendu. Il papote avec sa collègue mais aussi avec les journalistes présents, il fait beaucoup de sourires. On voit qu’il a envie d’être vu. On constate qu’il n’est pas venu fermé, voire va-t-en-guerre comme certains le prédisaient, mais pour discuter sincèrement".

  • La rencontre : écoute, estime et courtoisie

"On retrouve Mélenchon dans le vestibule, toujours aussi affable. Il échange quelques mots avec les photographes et les cameramen, il demande si ce sont les mêmes que lors de sa dernière visite à l’Élysée. On est loin du ‘bruit et de la fureur’ qui était son image de marque il y a quelque temps et que j’avais pu observer de près pour l’avoir suivi en campagne en 2007 et 2012. Là, j’étais face au Mélenchon apaisé, arrondi qui est apparu lors de l’élection présidentielle cette année.

L’étape suivante, c’est le salon d’attente. Emmanuel Macron terminait son entrevue avec François Bayrou. Quand ce dernier sort, raccompagné par le président, il s’arrête rapidement pour échanger quelques mots avec Jean-Luc Mélenchon : ’Comment vas-tu ?’, ‘Et toi ?’, etc. Puis au tour de Mélenchon de rentrer dans le bureau du président. Tout de suite, les deux hommes se parlent, il n’y a aucune tension. C’est très cordial, apaisé. J’avais devant moi deux personnes qui se respectent, s’écoutent, deux responsables politiques qui s’estiment. Ils sont très courtois l’un envers l’autre.

" Ni Macron, ni Mélenchon ne jouaient pour la photo "

Macron est totalement lui-même. Je le suis quotidiennement et l’image de lui que renvoie cette photo est très fidèle à ce qu’il est, à savoir très à l’écoute de ses interlocuteurs. Il accorde une grande qualité aux gens qu’il reçoit. Macron n’est jamais dans une posture de défense ou de réserve.

Pour avoir couvert beaucoup d’entretiens politiques, je peux vous assurer que ni Macron, ni Mélenchon ne jouaient pour la photo. Avant même de ‘poser’, ils étaient très aimables. C’était un moment réellement sincère, les deux hommes avaient la volonté de s’écouter. Ça ne m’arrive pas souvent mais là je me suis dit : ‘Tiens, j’aurais bien assisté à l’intégralité de la rencontre’.

  • Le cadrage : 30 secondes pour prendre la bonne photo

"Pour ce genre de photo en ‘pool’, le temps est restreint. Les photographes ont 30 à 40 secondes pour faire leurs photos, pareil pour les cameramen qui font quelques plans. C’est très cadré mais nous sommes quand même libres pour le cadre. Toutefois, il faut choisir la bonne place parce qu’une fois placé, on ne bouge plus, il n’y a pas assez de temps. Donc il faut être capable de repérer la place qui permettra d’avoir le meilleur angle.

Je n’ai pas ‘spot favori’ pour faire ces photos, pour une raison simple : les interlocuteurs peuvent changer de fauteuil. Un coup sur le canapé, un coup sur le fauteuil de gauche, un coup sur celui de droite. Donc il faut s’adapter et être capable de le faire rapidement. Pour autant, ce n’est pas du réflexe. Suivant la configuration de la pièce, j’ai mes certitudes mais chaque photo est différente."

  • Le lieu : travailler à l’Élysée, "un privilège"

"Ça fait toujours quelque chose d’être à l’Élysée. C’est quand même le sommet du pouvoir, c’est un privilège de pouvoir travailler là-bas au quotidien. Ma vision des choses, c’est de parvenir à chaque fois à en tirer le meilleur parti. Mais je ne suis absolument pas lassé ou blasé. Au contraire, je cherche toujours à ce que la photo d’après soit encore meilleure.

Le lieu ne change pas mais ça ne veut pas dire que les photos sont identiques. Il peut y avoir un jeu de lumière sur un miroir, un livre posé sur un guéridon, ce genre de détails qui peut donner un petit plus à ces photos très ‘posées’. C’est peut-être redondant, mais à titre personnel, ça me plaît de suivre une histoire, celle du président, sur le long terme, chaque jour apportant une nouvelle pierre à cette histoire."

  • L’ellipse : après le bureau, le perron

"Quand Macron et Mélenchon ressortent, ils se serrent la main sur le perron. Sauf que Mélenchon nous tourne complètement le dos et les photos ne sont pas bonnes. Avant même qu’on ne lui fasse la remarque, il s’en est rendu compte. Il a fait un commentaire en souriant, s’est tourné et a insisté pour prolonger un peu la poignée de main, le temps qu’on puisse faire la photo. Même Charlotte Girard en rigolait.

Mélenchon descend ensuite sur le perron et son amabilité n’a pas du tout été altérée par la rencontre. Il garde ce même ton calme, il explique posément le contenu de la discussion qu’il a eue avec le président. C’est même Charlotte Girard qui doit parfois le reprendre afin de reprendre un peu de distance. L’ambiance était très détendue."