Chaque semaine, Europe1.fr vous propose un regard décalé sur la campagne présidentielle, dans l'objectif d'un photographe de l'AFP.
Il a littéralement crevé l'écran. Dans un exercice inédit de débat à onze candidats, Philippe Poutou s'est particulièrement distingué mardi, aussi bien par son style vestimentaire que par ses invectives adressées à Marine Le Pen et François Fillon sur les affaires. Au point de devenir un véritable phénomène sur les réseaux sociaux et d'acquérir une légitimité singulière dans la campagne. Quelques minutes avant le début du débat déjà, son attitude contrastait avec celle de ses concurrents, comme a pu le constater le photographe de l'AFP Lionel Bonaventure.
- Choisir le moment
"Comme les autres journalistes, cadreurs et photographes, je suis entré sur le plateau vers 18h30, soit 2h30 avant le début du débat. Cette photo a été prise quelques minutes plus tard. Jacques Cheminade et Philippe Poutou ont été les premiers candidats à venir, depuis les loges, visiter le plateau. Il y avait peu de monde à ce moment-là, une vingtaine de journalistes seulement. Jacques Cheminade était seul, Philippe Poutou était accompagné de cinq ou six de ses soutiens.
Les autres candidats, eux, étaient encore dans les loges. Les journalistes étaient d'ailleurs assez nombreux à l'entrée, à guetter l'arrivée des "gros" candidats. Je me suis donc placé, avec mes collègues photographes et une équipe de Cnews devant le pupitre de Philippe Poutou quand le producteur de l'émission Jérôme Revon (à droite sur l'image) est venu donner quelques informations au candidat, tels que l'emplacement de la caméra qui allait le filmer et l'emplacement des écrans affichant les temps de parole."
- Décrire une ambiance
"Philippe Poutou m'a semblé assez détendu. Il a parlé quelques instants avec le producteur et a repris le fil de sa discussion avec ses soutiens. Les candidats crédités de plus gros scores par les sondages sont ensuite arrivés sur le plateau. Il y avait un grand contraste entre l'équipe de Philippe Poutou, détendu et habillé de façon simple, et le reste des participants, plus formels et stressés. Philippe Poutou semblait être entouré d'amis. Ses soutiens étaient même plutôt dans le sarcasme et la plaisanterie, même si je n'ai pas pu entendre ce qu'il se disaient.
Du côté de Marine Le Pen, l'ambiance était plus sérieuse. François Fillon, lui, avait une attitude assez figée. Nicolas Dupont-Aignan semblait aussi avoir un peu de pression."
- Réfléchir au cadrage
"J'ai pris cette photo en contre-plongée car je voulais que son visage se détache du fond composé de chaises vides. Le journaliste de Cnews a alors approché son micro pour poser une question au candidat. C'est à cet instant que j'ai pris la photo. Cette image, pour des raisons de rapidité de diffusion, a été envoyée directement de mon boitier aux éditeurs photos qui, ce soir-là, étaient chargés de recadrer et de légender mes images.
Le micro sur la droite peut symboliser le fait que ce débat était l'occasion pour les "petits" candidats d'avoir la parole mais mon intention première en intégrant cet élément était plutôt de situer l'action sur le plateau de Cnews, co-organisateur de ce premier débat de l'histoire réunissant tous les candidats à une présidentielle.
Je pense, à posteriori, que la personne à gauche de l'image aurait pu être mise hors-champ par le jeu d'un recadrage de l'image qui aurait donné plus d'importance au micro et à l'expression du visage du candidat."
- Donner du sens à une image
"Philippe Poutou était le seul homme à ne pas être en costume. Il me semble que cela est cohérent avec son positionnement sur l'échiquier politique, la classe ouvrière qu'il pense représenter et son désir de ne pas transiger avec ses convictions.
Il a d'ailleurs, quelques minutes plus tard, affirmé sa non appartenance à la classe politique en refusant de faire une photo dite 'de famille' avec l'ensemble des postulants à la présidentielle puis durant le débat en interpellant deux candidats sur les affaires."