Mardi, au moment où Manuel Valls annonçait l'utilisation du 49.3 pour faire adopter le projet de loi Travail, les députés de droite se sont levés et ont quitté la séance, laissant la gauche s’écharper en public. "Que Valls se débrouille avec son champs de ruine", a lancé Christian Jacob, le chef de file des députés Les Républicains. Pendant ce temps, le Premier ministre attaque son aile gauche, qui agite la menace d’une motion de censure. Dans les couloirs de l’Assemblée, les députés frondeurs, Christian Paul, Yann Galut, Karine Berger, appellent à la démission de Manuel Valls. Derrière ces images, presque comiques, c’est bien le système institutionnel de la Ve République qui est en train d’exploser et le débat démocratique de se dévoyer.
La vision gaullienne des institutions. Le principal coupable de cette dérive ? Les primaires, ce mode de désignation supposé rendre la parole au peuple, mais qui, aujourd’hui, est en train de pervertir la démocratie. Sous la Ve République, la vie politique est dominée par l’élection présidentielle. La vision gaullienne du système impliquait que les partis politiques proposent un projet collectif au service de l’intérêt général, porté par un candidat naturel, généralement le chef de parti. Mais les primaires ont perverti le débat en un affrontement mortifère et autocentré.
Télé réalité. Ce n’est plus, désormais, le débat idéologique entre la gauche et la droite qui domine la vie politique, mais une série d’affrontements au sein même de la gauche et de la droite, avec autant de sensibilités que de programmes et d’individus. À droite, c’est une véritable Star Academy politique ; Alain Juppé, François Fillon, Bruno Le Maire, Nicolas Sarkozy et consorts ne s’adressent plus aux Français mais à leurs fans. À gauche, la question du candidat à la présidentielle et d’un éventuel barrage à la candidature de François Hollande, occupe les esprits. Mardi, c'était bien la primaire qui se déroulait en direct, devant les Français, dans l’hémicycle, alors que les députés sont censés y discuter de l’intérêt général.