Ils sont les naufragés de la tempête Fillon. Le candidat de la droite a sauvé son investiture en obtenant le soutien des barons LR, mais le maintien in extremis du Sarthois dans la campagne, après des semaines de fronde chez les élus de droite, pourrait désormais conduire l’UDI dans le mur. La famille centriste, qui a pris la semaine dernière ses distances avec le candidat désigné par la primaire de novembre, ne sait plus sur quel pied danser et se retrouve sans champion à moins de deux mois de la présidentielle. En interne, certains élus veulent renouveler le soutien à François Fillon, d'autre penchent plutôt pour Emmanuel Macron, et une troisième voie semble, à ce stade, impossible à trouver. Mardi, l’UDI doit réunir à 19 heures son bureau politique pour envisager une porte de sortie.
L’UDI lâche Fillon… La conférence de presse surprise de François Fillon le 1er mars, annonçant sa possible mise en examen et le maintien, malgré tout, de sa candidature, a conduit l’UDI à lui retirer son soutien. Dans une interview à Ouest France, Jean-Christophe Lagarde, "demandait solennellement aux Républicains de changer de candidat", estimant que François Fillon, dévissant dans les sondages et essuyant de nombreuses désertions, n’était plus en mesure d’assurer l’alternance. Cette rupture a mis fin à un mariage de raison, difficilement scellé par un accord sur les législatives arraché de longue haleine - les centristes ayant obtenu 68 circonscriptions gagnables-, et d’interminables négociations autour d’un programme jugé trop radical.
… et se retrouve sans plan B. Il faut dire qu’en novembre, c’est derrière la candidature malheureuse d’Alain Juppé que s’était rangée l’UDI pour la primaire de la droite et du centre. Trois mois plus tard, la tournure prise par l’affaire Fillon laissait espérer un retour en majesté du maire de Bordeaux, ses proches assurant qu’"il ne se defilera[it] pas", à la condition que François Fillon renonce de lui-même. "J’ai parlé avec Alain Juppé, et j’ai la conviction profonde qu’il prendra ses responsabilités", assurait même Philippe Vigier, le patron des députés UDI, dans un entretien à L’Echo républicain vendredi. C'était sans compter la mobilisation de dimanche au Trocadéro, puis le refus solennel de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac de se lancer dans la course lundi, qui ont permis au Sarthois de décrocher dans la soirée le soutien des cadres du parti. De quoi laisser les centristes
Un ralliement à Macron ? L’hypothèse Borloo, un temps évoqué comme recours pour les centristes, s’est également envolée. "Si on devait rester dans cette situation de blocage, si les Républicains ne trouvaient pas de solution, moi je demanderais à Jean-Louis Borloo de venir nous aider à sortir de cette situation, y compris en étant candidat", avait fait savoir Jean-Christophe Lagarde dans le Grand Rendez-vous d’Europe1/I-télé/Les Echos. Mais l’intéressé a refusé l’offre : "Je ne suis vraiment pas dans le jeu politique" , a-t-il déclaré au Monde, tout en appelant à "une recomposition politique entre des forces de gauche modernes et une droite progressiste".
De quoi laisser apparaître un éventuel soutien à Emmanuel Macron ? Si Jean-Louis Borloo a lui-même démenti les bruits qui ont circulé sur une éventuelle rencontre avec le fondateur d’En marche !, Chantal Jouanno, porte porte-parole de l’UDI, a reconnu lundi sur France 3 qu’ "une toute petite minorité d'élus nationaux sont tentés par Emmanuel Macron". En tous cas, la fuite des sympathisants a commencé. "La moitié de nos électeurs est passée chez Macron, et je crois que l’autre moitié est déjà en marche", aurait constaté Jean-Christophe Lagarde, selon des propos rapportés par Le Canard enchaîné.
Un choix cornélien. L’hypothèse d’une candidature indépendante semblant très improbable, l’UDI aura vraisemblablement à trancher mardi soir entre un retour dans le giron de François Fillon, ce qui sauverait l’accord législatif et permettrait potentiellement au parti de multiplier par deux son nombre de députés, ou un soutien à Emmanuel Macron, désormais grand favori des sondages pour le second tour. Les Centristes d’Hervé Morin, composante majeure de l’UDI, ont déjà fait leur choix. "Lagarde a annoncé que l’UDI se retirait de la campagne sans qu’aucune instance ni personne ait été réunie. Il s’est mis tout seul dans un corner. Nous, nous sommes sur une ligne claire de soutien à Fillon et d’un accord avec LR", a tempêté, dans les colonnes du Monde, le député de Loir-et-Cher Maurice Leroy qui prédit : "Selon moi, mardi soir, l’UDI aura vécu". Dans une présidentielle imprévisible, le parti espère néanmoins retrouver une place au centre du jeu.