Après plusieurs semaines à avoir tenté de rallier Yannick Jadot, avec succès, et Jean-Luc Mélenchon, en vain, Benoît Hamon pensait enfin pouvoir entrer dans le dur de sa campagne, celle destinée aux électeurs et non aux appareils politiques. Mais c’était sans compter sur… le Parti socialiste. Car toute une partie de la formation du candidat ne semble pas prête à se mettre aux ordres d’une gauche trop radicale pour elle. Plus les jours passent, et plus l’aile droite renâcle. Au point de lorgner plus ou moins ouvertement en direction d’Emmanuel Macron.
Quand les vallsistes fâchés…
La mise en garde de Philippe Doucet il y a quelques jours, Christophe Caresche, qui soutient Emmanuel Macron, dimanche dans le JDD, et enfin Jean-Marie Le Guen mardi… Les députés ou élus proches de Manuel Valls ne cachent plus leur scepticisme à l’endroit de Benoît Hamon. La charge du secrétaire d’Etat chargé du Développement a même été particulièrement violente. "Aujourd'hui, Benoît Hamon, (...) c'est un programme de rupture avec sa famille politique", a déploré Jean-Marie Le Guen sur RTL. "Il s'est isolé en tenant un discours extrêmement radical. Nous, nous sommes pour la réforme. Sur le terrain de la gauche radicale, il y aura au moins deux candidats, c'est-à-dire que sa capacité à faire autre chose que témoigner est aujourd'hui réduite à peu de chose, donc il faut qu'il se reprenne", a-t-il taclé, constatant que le candidat est dans "une impasse stratégique".
Jean-Marie Le Guen, qui est aussi conseiller de Paris et à ce titre potentiel parrain d’un candidat, est même allé plus loin : "Dans l'état actuel des choses, moi et des dizaines et des dizaines d'autres parlementaires, nous ne pouvons pas donner notre parrainage à Benoît Hamon", a-t-il déclaré. Voilà qui n’augure rien de bon, pour Benoît Hamon, avant la réunion des proches de Manuel Valls, autour de l’ancien Premier ministre, mardi soir à l’Assemblée. Si une défection collective paraît peu probable, plusieurs autres départs vers Emmanuel Macron ne sont pas à exclure.
D’autant que le député Yves Blein soumettra mardi aux députés de ce groupe un projet de lettre ouverte, adressée au Premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, qui rejette sans ambiguïté l'accord Hamon-Jadot. "Nous souhaitons (...) que le Parti socialiste (...) s'exprime. Qu'il dise clairement que toutes (les) sensibilités (de la Belle Alliance populaire) doivent être rassemblées par le candidat qu'il soutient. Que le rassemblement à rechercher va plus sûrement de Hamon à Macron que de Hamon à Mélenchon", est-il écrit. Ça promet.
Les ministres pas emballés
Dans tout ce flot de critique, Benoît Hamon a tout de même enregistré une bonne nouvelle lundi, avec la démission du gouvernement d’Axelle Lemaire, qui veut se consacrer à sa campagne. Sauf qu’en fait, l’ex-secrétaire d’Etat au Numérique est un peu l’arbre docile qui cache une forêt sourdement hostile. Car du côté du gouvernement, on ne se presse pas pour dire du bien de l’ancien ministre de l’Education. Thierry Mandon, Matthias Fekl exceptés, c’est un silence embarrassant – et embarrassé - qui règne.
Surtout, les ministres proches de François Hollande ne sont pas franchement emballés. Michel Sapin (Economie), Stéphane Le Foll (Agriculture) et Jean-Yves Le Drian (Défense) soutiennent officiellement Benoît Hamon, mais ils ne cachent pas qu’ils pourraient, le cas échéant, préférer le vote utile. Et donc Emmanuel Macron, encore lui. Quant à Bernard Cazeneuve, il avait demandé au candidat de vanter le bilan du quinquennat. Il n’a pas été entendu, alors il préfère cibler le Front national.
Hamon va donner un coup d'accélérateur
Mais Benoît Hamon n’a plus vraiment le choix. Il va donc vraiment débuter sa campagne médiatique et de terrain dans les jours à venir. Cette semaine, le candidat va tenir un meeting à Brest mercredi, arpenter le Salon de l'Agriculture jeudi, organiser un "Agora Live" en province samedi, participer à Bourdin 2017 vendredi, On n'est pas couché samedi, Punchline dimanche. Il devrait développer deux thématiques: l'Europe, le thème sur lequel les désaccords sont les plus nets avec Jean-Luc Mélenchon, et la fonction publique, les services publics, qui lui permettront de mettre en exergue ses différences avec Emmanuel Macron.
Le fondateur d’En Marche ! devrait d’ailleurs être une cible privilégiée. Le candidat socialiste, qui l’avait qualifié la semaine dernière de candidat du "centre-droit", a poursuivi sur sa lancée lundi en affirmant qu'Emmanuel Macron, "c'est le programme de Fillon, le sourire en plus". Bref, de quoi s’ancrer encore un peu plus à gauche. Et risquer de fâcher un peu plus son aile droite.