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Jean-Luc Barré, biographe de Jacques Chirac, assure que l’ex-président, disparu jeudi, n’avait pas vu venir la qualification de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour de la présidentielle en 2002. Et que cet événement l’a changé.
INTERVIEW

Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen accède à la surprise générale au second tour de l’élection présidentielle, aux dépens de Lionel Jospin, éliminé. Ce soir-là, Jacques Chirac, alors président sortant, est assuré d’être réélu à l’Elysée. Et pourtant, point de triomphalisme chez l’ancien chef de l’Etat, décédé jeudi à l’âge de 86 ans. Au contraire, c’est un homme abattu qui accuse le coup, selon Jean-Luc Barré, son biographe, interrogé vendredi matin sur Europe 1.

"Il a été très surpris en 2002 du résultat du premier tour. Il n’a rien vu venir. Celle qui l’a senti venir, c’est Bernadette Chirac. D’ailleurs, il lui rendait hommage là-dessus", raconte celui qui a co-signé les Mémoires de Jacques Chirac. "Peut-être parce qu’il a refusé d’y croire. Ça lui paraissait invraisemblable qu’à ce point-là que le candidat socialiste Lionel Jospin s’écroule dès le premier tour".

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Surtout, il semble y avoir eu un avant et un après cette fameuse soirée. "Tous ceux qui l’ont vu, et il me l’a dit, avaient un sentiment de très grande tristesse. Il était sûr d’être élu le soir du premier tour, puisque tout le monde se ralliait. Mais il ressentait un grand sentiment de tristesse qui a sans doute pesé après", poursuit Jean-Luc Barré. "C’est comme si les cartes étaient pipées, comme s’il ne comprenait plus rien, comme si le jeu politique ne ressemblait pris à rien. Cette montée l’a pris de court, et je pense que ça a participé d’une forme de mélancolie. Comme s’il ne se reconnaissait plus dans le paysage politique."

Jacques Chirac assumait aussi son refus de débattre avec Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de l’élection présidentielle. "Il m’a dit : ‘écoutez c’est simple, je n’avais rien à lui dire’", rapporte Jean-Luc Barré. "Parce que j’avais déjà répondu par avance. Ce que je suis, ce que je pense, les discours que j’ai prononcés. Toute forme de forme de racisme, de xénophobie, d’antisémitisme, me hérissent. Donc je n’ai rien à dire à un homme comme celui-là’."

"Je ne suis pas un homme de droite"

Mais au fait, de quel bord politique était Jacques Chirac ? La question peut sembler incongrue, tant l’ancien président de la République a incarné, de longues années durant, le gaullisme en France. La réponse est en fait plus compliquée que cela. "Il m’a dit un jour ‘je ne suis pas un homme de droite’. C’était très clair, je l’ai beaucoup interrogé là-dessus", affirme Jean-Luc Barré. "Je ne dis pas qu’il était de gauche pour autant. Mais il était très proche des valeurs de la gauche. Il était très proche de Michel Rocard."

"Il était gaulliste, tout de même, même s’il était plus pompidolien que gaulliste, mais très proche des valeurs humanistes de la gauche", insiste le biographe. "Sa vision du monde n’était pas cette d’un homme de droite. Il n’aimait pas les Etats-Unis par exemple, c’est absolument évident. Il n’aimait pas le modèle américain. Un jour il m’a dit : ‘c’est pas un modèle de civilisation, c’est un modèle de consommation’. C‘était très dur, pour lui qui se référait souvent aux grandes civilisations."