La candidature de Jean-Yves Le Drian aux élections régionales en Bretagne se transformera-t-elle en piège politique pour François Hollande ? Le ministre de la Défense a officialisé vendredi à Lorient son statut de tête de liste socialiste dans la région qu'il a déjà présidée entre 2004 et 2012. Pendant la campagne, il conservera ses fonctions au gouvernement, a précisé son entourage cette semaine. Mais pour l'après-scrutin, le flou demeure. Jean-Yves Le Drian a assuré qu'en cas d'élection, il présiderait bel est bien aux destinées de la Bretagne et qu'il ne laisserait pas le rôle à l'un de ses fidèles. Dès lors, deux hypothèses sont possibles, mais aucune n'est complètement satisfaisante pour l'exécutif.
• Président de région mais plus ministre
La Bretagne est l'une des rares régions que la gauche espère conserver. Il est donc envisageable que la liste de Jean-Yves Le Drian arrive en tête au second tour le 13 décembre. Dans ce cas, le ministre de la Défense devrait à première vue quitter ses fonctions au gouvernement pour présider la région. Problème : se priver de Le Drian serait un coup dur pour François Hollande. Le Breton, qui est un proche de longue date du chef de l'Etat, est l'un des rares ministres restés au même poste depuis 2012. Il faut dire que son bilan à la Défense est unanimement salué. Entre la gestion des opérations à l'étranger et sur le territoire national (malgré une réduction des moyens) et des contrats de vente d'armes en série (notamment le Rafale), Jean-Yves Le Drian s'est rendu indispensable. Les Français saluent d'ailleurs son action : selon un sondage Ifop pour Sud-Ouest Dimanche publié en août, il est le ministre le plus populaire du gouvernement, avec une cote de satisfaction de 59%.
• Ministre et président de région
Dans l'absolu, la loi n'interdit pas à Jean-Yves Le Drian de rester à l'hôtel de Brienne tout en présidant la région Bretagne. Ministre est une fonction, pas un mandat, et aucune législation n'empêche le cumul entre fonction ministériel et mandat électif. Le problème, c'est cette phrase que François Hollande a prononcée lors du débat d'entre-deux-tours en 2012 : "moi président de la République, les ministres ne pourront pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local, parce que je considèrent qu'ils devraient se consacrer pleinement à leur tâche". Un engagement écrit noir sur blanc dans la "charte de déontologie des membres du gouvernement" instituée en mai 2012. Et fermement appliqué jusqu'ici : Carole Delga, elle aussi candidate aux régionales, et François Rebsamen, qui a voulu récupérer la mairie de Dijon, ont dû quitter leurs maroquins ministériels cette année.
Y aura-t-il une exception Le Drian ? L'entourage du ministre laisse entendre que l'hypothèse est sur la table. Manuel Valls, lui, reste ferme. "Vous connaissez la règle : on ne peut pas être président de région, maire d'une grande ville, et être membre du gouvernement", a asséné le Premier ministre sur BFMTV, jeudi. Reste à savoir ce qu'en pense celui qui prendra la décision finale, un certain François Hollande qui, pour l'instant, se garde bien de s'exprimer sur le sujet.