C’est un refrain entonné depuis plusieurs semaines par les dirigeants du Front national : leur parti a du mal à boucler son budget pour la présidentielle de 2017. La faute aux banques françaises, qui refusent de lui prêter de l’argent et qui forcent le parti à regarder vers l’étranger. Le problème est d’autant plus grand, jurent-ils, que leur formation ne roule pas sur l’or. "Si votre parti politique est pauvre, et c’est le cas du nôtre…", a ainsi glissé Marine Le Pen mardi matin sur RMC. Une déclaration exagérée.
Car s’il ne roule pas sur l’or, le FN est loin de la situation de l’après-législatives de 2007, catastrophiques pour lui. Le parti frontiste avait alors été contraint de vendre son siège de Saint-Cloud pour s’installer en location à Nanterre. "On a traversé une crise extrêmement grave", reconnaît aujourd’hui Wallerand de Saint-Just, trésorier national du parti. Mais depuis, les succès électoraux se sont enchaînés, et financièrement, ça va beaucoup mieux.
Un seul prêt à rembourser. D’autant que le parti frontiste n’est plus tellement endetté, à en croire l’élu FN. Une seule dette resterait, pour l’heure, à son passif : "le prêt russe (contracté en septembre 2014, d’un montant de de neuf millions d’euros, et qui fait polémique, ndlr) qui doit être remboursé intégralement en 2019", affirme Wallerand de Saint-Just. En attendant, le FN ne rembourse que les intérêts de la somme, empruntée pour financer les campagnes électorales de 2015. Neuf millions d’euros, ça peut paraître beaucoup, mais à titre de comparaison, en 2014, l’UMP présentait une ligne de dette de… 73.432.636 euros. Au final donc ? "On fait face", assure Wallerand de Saint-Just. "Mais par rapport à notre croissance, on aurait besoin de plus."
Plus de six millions par an grâce aux succès électoraux. Voilà ce qui serait donc, à entendre celui qui est aussi l’avocat du FN, le problème principal du Front national : il serait victime de son succès. "Nous sommes comme une usine qui aurait acquis de nouveaux marchés, mais qui n’aurait pas la trésorerie pour accompagner son développement", image-t-il. Pourtant, ces succès lui assurent des revenus confortables. Plus de cinq millions d’euros de dotations publiques par exemple, un chiffre calculé sur les résultats, en voix et en nombre de sièges remportés, des législatives de 2012.
Et puis il y a les cotisations des élus. Selon des documents datant du 31 décembre 2015 et portant sur l’année 2014, (ceux portants sur 2015 seront disponibles dans la deuxième quinzaine de janvier, jure la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques), elles étaient de moins de 500.000 euros annuels en 2014, mais les succès du parti lors des départementales et des régionales de 2015 est passé par là. La règle, au FN, c’est que les élus reversent 15% de leurs indemnités au parti. "On a dépassé le million annuel", assure Wallerand de Saint-Just. Plus de six millions d’euros annuels grâce aux succès électoraux, la manne est confortable. Mais pas assez, selon le trésorier du FN. "Les subventions publiques restent les mêmes pendant cinq ans, donc on n’a rien à espérer de ce point-de vue-là", peste l’élu FN.
Les adhésions, "levier principal". Alors comment redresser la barre ? En remportant encore plus de victoires ? "Les contributions de nos élus ont beaucoup augmenté, mais la glorieuse incertitude des batailles électorales incite à la prudence", répond Wallerand de Saint-Just. "Et si, comme j’en suis persuadé, Marine Le Pen remporte la présidentielle, après, il y aura les législatives, et à nouveau on sera confronté à un problème de croissance", explique, l’élu, sans se priver de glisser un message optimiste au passage. Si le FN remportait plus de sièges de députés, ce serait tout de même une belle affaire financière. Selon le décret de 2016 portant sur l’aide publique aux partis politiques, chaque parlementaire rapporte en effet à sa formation près de 37.500 euros annuels.
Mais pour Wallerand de Saint-Just, "le levier principal, ce sont les adhésions. Notre effort doit porter là-dessus". En 2014, elles avaient rapporté 2,1 millions d’euros au parti. Loin des 6,2 millions de l’UMP et des 7,2 millions du PS. "On doit être à 90.000 adhérents, on peut viser les 200.00, en allant les chercher à la cuillère à escargot", avance le trésorier du FN dans une étonnante métaphore.
"Un parti riche, ça n’existe pas". Mais de toute façon, "le FN ne sera jamais riche. Disons que c’est un parti maigre, donc sportif et bien portant", s’amuse Wallerand de Saint-Just. Une chose est sûre, niveau chiffres, il pâtit souvent de la comparaison avec ses deux principaux adversaires, Les Républicains et le PS. Mais ces deux formations sont-elles riches pour autant ? "Dans les partis, on court toujours après l’argent. Un parti riche, en fait, ça n’existe pas ", admet volontiers le trésorier du FN.