Le Front national le sait : pour l'élection présidentielle, tout l'enjeu du parti, s'il veut réussir à vaincre le "plafond de verre" qui semble le condamner à la défaite même lorsqu'il sort en tête au premier tour d'un scrutin, est d'élargir son électorat. D'où les efforts de Marine Le Pen pour rassurer les seniors d'un côté, attirer le vote féminin de l'autre. Mais le FN a également décidé de séduire les banlieues. Le collectif frontiste "Banlieue patriote" a ainsi développé un concept d'émission pour aborder les thèmes chers à ces électeurs potentiels.
"Des verrous à faire sauter". Intitulé "Nos quartiers la France" et destiné à être diffusée sur Internet, ce programme invite tous les mois une personnalité à s'exprimer sur des sujets variés. Et pour la première édition, "Banlieue patriote" a choisi de planter le décor dans un café chaleureux, au cœur d'un quartier populaire parisien. En attendant de pouvoir le faire au-delà du périphérique, une fois que le FN aura prouvé qu'il y a toute sa place. "Dans ces banlieues, il y a des gens qui sont parfaitement enclins à voter pour le Front national et pour Marine Le Pen à l'élection présidentielle", assure Jordan Bardella, présentateur de l'émission et président du collectif "Banlieue patriote". "Il y a peut-être des verrous à faire lever et c'est notre rôle de faire de la pédagogie."
Séduire "une France des oubliés". Pour celui qui a grandi et vit toujours en Seine-Saint-Denis, la banlieue est un terrain de conquête idéal pour le Front national. "Je le vois, il y a là une France des oubliés. Une France qui souffre du chômage, de l'insécurité, du communautarisme et de l'islamisme radical." Dans "Nos quartiers la France", l'objectif est donc de parler laïcité, islam, immigration, voile, ou encore mariage pour tous. Le premier invité de l'émission est d'ailleurs Camel Bechikh, un musulman qui se dit "patriote" et s'est illustré dans la lutte contre la loi Taubira. "Je crois que le mariage pour tous a vraiment rompu le lien fort qu'il y avait entre l'électorat issu de l'immigration et le PS", estime-t-il. "Il y a eu une grande erreur d'appréciation."
Une "erreur" sur laquelle le Front national espère bien capitaliser pour que les électeurs socialistes de banlieue, qui avaient massivement voté François Hollande en 2012, choisissent Marine Le Pen cinq ans plus tard.