Quelques jours après un attentat manqué sur les Champs-Élysées, le gouvernement présentera lors du prochain Conseil des ministres un projet de loi antiterroriste destiné à sortir de l'état d'urgence mais qui suscite une levée de boucliers des défenseurs des libertés publiques.
Collomb : "la menace ne faiblit pas". Ce premier texte antiterroriste de la présidence Macron sera détaillé alors que la menace "ne faiblit pas", souligne le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, dans un entretien au Figaro à paraître mercredi. Lundi un islamiste radicalisé de 31 ans est mort après avoir foncé sur des gendarmes avec sa voiture chargée de bonbonnes de gaz et d'armes.
Cet attentat raté est la troisième attaque djihadiste en deux mois dans la capitale visant des forces de l'ordre, après l'agression au marteau de Notre-Dame, il y a quinze jours et l'assassinat d'un policier le 20 avril, déjà sur les Champs-Elysées.
Vers une dernière prolongation de l'état d'urgence jusqu'au 1er novembre. Le texte de loi doit prendre le relais de l'état d'urgence, un régime d'exception mis en place au soir des attentats du 13 novembre 2015, qui arrive à échéance le 15 juillet et que le gouvernement souhaite une dernière fois prolonger jusqu'au 1er novembre. Un projet de loi permettant cette prolongation sera d'ailleurs également présenté lors du prochain conseil des ministres cette semaine où seront en outre nommés les patrons de la nouvelle "task force" antiterroriste, de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE).
Les contours du projet déjà publiés suscitent des inquiétudes. Le texte permettra "un véritable équilibre entre une nécessaire sécurité de nos concitoyens et la protection des libertés individuelles", assure Gérard Collomb au Figaro. Mais avant que l'exécutif entre dans les détails d'un texte qui vient muscler une législation antiterroriste en perpétuelle évolution depuis 30 ans, la fuite d'une première mouture de la loi, dans Le Monde, a déjà suscité inquiétude et défiance notamment chez des magistrats, avocats et associations de défense des libertés publiques classées à gauche.
L'état d'urgence dans le droit commun ? Ceux-ci estiment que le projet de loi tel que présenté par le quotidien fait entrer l'état d'urgence dans le droit commun. Selon l'avant-projet, l'exécutif entend confier de manière permanente aux préfets et au ministre de l'Intérieur le pouvoir d'assigner des individus dans un "périmètre géographique déterminé", et de perquisitionner de jour comme de nuit, deux mesures jusqu'ici indissociables de l'état d'urgence.
Changement concernant l'assignation à résidence. "L'assignation à résidence sera remplacée notamment par une obligation de ne pas se déplacer à l'extérieur d'un périmètre géographique permettant le maintien d'une vie familiale et professionnelle" et "ce périmètre ne pourra être inférieur à la commune", détaille Gérard Collomb dans les colonnes du quotidien.
Les représentants de l'Etat pourraient aussi interdire des lieux de culte, exploiter des téléphones ou ordinateurs, ordonner fouilles et palpations, et placer sous bracelet électronique, "aux seules fins de prévenir un acte de terrorisme". Le contrôle reposerait sur la justice administrative.
Vers une saisine possible du juge des libertés et de la détention ? "Pour renforcer les garanties, (...) nous avons mis en oeuvre dans le texte une disposition qui permettra la saisine du JLD (juge des libertés et de la détention)", a assuré mardi le Premier ministre Édouard Philippe sur BFM TV/RMC.
"Le préfet a l'initiative, le juge des libertés et de la détention, qui est un juge judiciaire, pourra, devra même, regarder et autoriser le lancement de la mesure administrative, et la légalité de la mesure administrative sera soumise au juge administratif a posteriori", a complété le chef du gouvernement.
Le projet semble séduire les policiers. Déterminé à incarner une ligne sécuritaire dure en matière antiterroriste, le gouvernement arrivera-t-il à rallier à son projet une opposition qui, des Insoumis au FN en passant par le PS, a durement critiqué la première mouture du texte ?
Il semble en tout cas, satisfaire dans les rangs policiers. "Aujourd'hui, les perquisitions administratives sont très faibles. On est sur une pratique raisonnée (141 entre le 22 décembre 2016 et le 15 juin 2017, ndlr). Elles autorisent une levée de doute ou à un accès à des informations que d'autres procédures, y compris dans le cadre judiciaire, ne nous permettent pas", observe Céline Berthon du Syndicat des commissaires de la police nationale. "On n'est pas dans une logique de tout reprendre mais de ne pas se priver de ce qui est utile dans l'état d'urgence", avance la syndicaliste.