Le Premier ministre Bernard Cazeneuve a annoncé samedi la volonté du gouvernement de prolonger l'état d'urgence, en vigueur depuis les attentats du 13 novembre 2015, pour sept mois supplémentaires, jusqu'au 15 juillet 2017, afin de couvrir les échéances électorales. "La persistance de la menace terroriste rend cette cinquième prolongation indispensable pour assurer le meilleur niveau de protection possible à nos concitoyens", a-t-il déclaré à la sortie d'un Conseil des ministres exceptionnel.
Risque autour des élections. "Cette période de campagne électorale, qui sera naturellement marquée par de nombreuses réunions publiques et rassemblements, peut aussi constituer malheureusement un contexte de risque d'attentat accru pour ceux qui veulent frapper au cœur nos valeurs démocratiques et nos principes républicains", a mis en garde l'ancien ministre de l'Intérieur. "En plaçant la date d'échéance au delà des élections, nous permettons au président de la République et au Parlement qui seront issus des prochaines élections d'avoir le temps nécessaire pour apprécier la situation avant de se prononcer sur une éventuelle prolongation supplémentaire", a-t-il poursuivi.
Adoption jeudi ? Le projet de loi sur la prorogation de l'état d'urgence sera débattu à l'Assemblée nationale mardi et au Sénat jeudi. L'objectif sera d'avoir une adoption définitive du texte dès jeudi par un vote conforme du Sénat afin "qu'il n'y ait pas de rupture de l'état d'urgence", avait déclaré le nouveau Premier ministre mercredi. En l'absence de vote, le dispositif devait en effet s'interrompre automatiquement autour du 22 décembre.
4.194 perquisitions. Bernard Cazeneuve a vanté "l'efficacité" de l'état d'urgence depuis sa mise en oeuvre et balayé les accusations de violation des droits de l'homme, les mesures qu'il permet complétant selon lui le droit commun sans s'y substituer. "Il y a eu 4.194 perquisitions administratives grâce à l'état d'urgence depuis un an et elles ont permis 517 interpellations qui ont entraîné 434 gardes à vue", a détaillé Bernard Cazeneuve. Près de 600 armes, dont 77 armes de guerre, ont été saisies.
17 attentats déjoués. Bernard Cazeneuve a également fait un point sur les résultats de la lutte contre le terrorisme. "17 attentats ont été déjoués en France cette année" et 420 personnes en lien avec des réseaux terroristes ont été arrêtées, a précisé le Premier ministre. Il a indiqué que "700 Français sont présents en zone irako-syrienne. Au total, plus de 2.000 personnes sont impliquées", en prenant en compte les retours et les velléités de départ. "222 Français sont décédés sur zone", a ajouté Barnard Cazeneuve.
Un dispositif vraiment efficace ? Créé en 1955 durant la guerre d'Algérie et durci au Parlement depuis un an, ce régime permet notamment à l'État d'assigner à résidence toute personne "dont l'activité est dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics" et d'ordonner "des perquisitions à domicile de jour comme de nuit", sans passer par l'autorité judiciaire. Les autorités françaises peuvent également décider la fermeture provisoire des salles de spectacles et des lieux de réunion et "interdire la circulation des personnes ou des véhicules" dans certains lieux ou à certaines heures, ou instituer "des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé".
Mais l'efficacité du dispositif a été relativisée, notamment par la commission d'enquête parlementaire post-attentats de 2015 qui a considéré qu'elle s'amenuisait avec le temps. Certains parlementaires, à l'unisson d'associations et de magistrats, dénoncent aussi un recul des libertés et de l'État de droit. Dans un rapport publié en juillet, les députés notaient par exemple que seules 31 infractions "susceptibles de se rattacher au terrorisme" avaient été constatées après les quelques 4.071 perquisitions effectuées depuis le début du dispositif.
Quant aux assignations à résidence, 95 sont toujours en vigueur sur un total de 652. Pour certains, c'est la preuve que l'état d'urgence fragilise le principe de la présomption d'innocence et ne permet pas de faire avancer les enquêtes. "Si on n’est pas capable en un an de prouver qu’une personne représente un danger, on ne peut pas le garder", avait par exemple dénoncé le député PS Sébastien Pietrasanta.