La campagne des législatives est officiellement lancée. Et la partie s’annonce serrée pour l’alliance Les Républicains/UDI. À en croire les sondages, les candidats de droite ne recueilleraient que 150 à 170 sièges à l’Assemblée, contre 226 actuellement. Les enquêtes d’opinion placent, en revanche, Emmanuel Macron et son parti La République en Marche (REM) largement en tête du scrutin, avec 27 à 32% des voix et une majorité absolue de 280 à 300 sièges.
La "main tendue" à la droite par le chef de l'Etat semble donc fonctionner. Après l’entrée au gouvernement de trois personnalités LR, dont Edouard Philippe à Matignon, 70% des sympathisants de droite se disent "satisfaits" du nouvel exécutif, selon un sondage Odoxa. Il reste désormais 20 jours à la droite pour redresser la barre. Et pour stopper l’hémorragie, l’argument des dirigeants de LR-UDI est déjà tout trouvé : la défense du pouvoir d’achat, principal sujet sur lequel ils entendent faire entendre leur différence.
Le programme Macron ? Du "matraquage fiscal". Devant quelques 3.000 militants réunis au Parc floral du bois de Vincennes samedi après-midi, Francois Baroin, le chef de file de LR pour les législatives, a sonné la charge. "Ce nouveau projet de matraquage [proposé par le nouvel exécutif] fiscal représente 300 euros par an pour une pension de retraite ou un revenu mensuel de 1.500 euros. Il faut lire attentivement le programme et les petites lignes du contrat", a-t-il lancé.
Dans la ligne de mire du parti de la droite traditionnelle : la hausse de la CSG, proposée par Emmanuel Macron. Le président de la République prévoit, en effet, d’augmenter de 1,7 point la CSG ponctionnée sur les revenus du capital et du travail. Seuls les chômeurs, les 40% de retraités les moins aisés et les contribuables gagnants moins de 14.375 euros (22.051 euros pour un couple) échapperont à cette hausse d’impôt. Montant total du prélèvement : 17 milliards d’euros.
" Il n’y a qu’une idée claire, c’est l’augmentation de la CSG "
"Le projet porté par Emmanuel Macron comprend une hausse considérable de la CSG. Nous n'en voulons pas", lançait déjà le 18 mai dernier François Baroin sur Twitter. "Les idées d'Emmanuel Macron pour l'instant sont assez floues. Il n’y a qu’une idée claire, c’est l’augmentation de la CSG. 1,7 point. 17 milliards d’euros de prélèvement. Cela, c’est assuré", assénait également Eric Ciotti, le 9 mai dernier, sur BFMTV. Sur le terrain, également, l’argument est largement relayé par les candidats, y compris ceux de l’UDI. "Quand on arrive à prolonger le dialogue avec certaines personnes, par exemple des retraités, et que l’on évoque la hausse de la CSG d’1,7 point prévue par Macron, ils sont tout de suite moins d’accord avec ce gouvernement transpartisan", assure au Monde Philippe Parain, candidat UDI dans la 11e circonscription des Hauts-de-Seine.
Le programme Fillon épuré. Face à ce "matraquage fiscal" présumé, la droite déroule un programme axé autour du pouvoir d’achat. Exit la hausse de deux points de TVA prévue par François Fillon lors de la campagne présidentielle. Place à une baisse générale de 10% de l’impôt sur le revenu, "notamment les classes moyennes", au retour de la défiscalisation des heures supplémentaires et à un relèvement du quotient familial. L’ambition du programme LR/UDI ? "Récompenser davantage le travail !"
"La CSG est un bon impôt, juste et sans niches", riposte Darmanin. Face à cette ligne d’attaque, les soutiens d’Emmanuel Macron affutent également leurs arguments. Ce week-end, c’est Gérald Darmanin, maire LR de Tourcoing et nouveau ministre de l'Action et des Comptes publics, qui a lui-même pris la parole pour défendre le programme fiscal d’Emmanuel Macron. "La CSG est un bon impôt, juste et sans niches. Au final, les Français auront un gain de pouvoir d’achat car, en échange d’une hausse de 1,7 point de CSG, il y aura moins de cotisations sociales. Ce gouvernement sera celui de la baisse de l’impôt sur les sociétés et de la baisse des charges", a martelé Gérald Darmanin dans une interview à La Voix du Nord.
" C’est de l’irresponsabilité budgétaire. C’est Noël au mois de juin "
Les équipes du président de la République rappellent ainsi que la hausse de la CSG sera immédiatement compensée par une baisse de 20 milliards des cotisations salariales. Difficile de savoir si les entreprises traduiront cette baisse par une hausse massive des salaires. Mais selon les calculs des macronistes, les seuls perdants seront les 60% de retraités les plus aisés. Une suppression de la taxe d’habitation est également prévue pour 80% des contribuables, même si les contours de cette réforme restent encore flous. Autant d’arguments qui ont dû convaincre Bruno Le Maire d’accepter le poste de ministre de l’Economie, lui qui défendait pourtant une baisse massive de la CSG lors de la primaire de droite. "La philosophie globale du programme de Bruno Le Maire se rapproche beaucoup de celle d’Emmanuel Macron", commente simplement l’entourage de Bruno Le Maire au Figaro.
"C’est Noël au mois de juin", contre-attaque-t-on chez Macron. Aussi, les soutiens du président de la République arguent de l’infaisabilité du programme LR/UDI pour les législatives. Pour compenser les baisses d’impôts, François Baroin et ses équipes évoquent un objectif de 100 milliards d’économies de dépenses publiques d’ici 2022, ce qui doit notamment passer par la suppression de 300.000 postes de fonctionnaires, le plafonnement des aides sociales et le passage progressif à un âge de départ à la retraite à 65 ans. Le hic : l’objectif de 100 milliards d’économies est le même que celui de François Fillon, qui prévoyait en plus du reste une hausse de la TVA et la suppression de 500.000 postes de fonctionnaires. La nouvelle mouture du programme LR, "c’est de l’irresponsabilité budgétaire. C’est Noël au mois de juin", dénonce ainsi Benjamin Griveaux, porte-parole de la République en Marche.
Or, la question du chiffrage pourrait avoir toute son importance pour séduire les électeurs de droite, historiquement attentifs à cette question (pour tout savoir sur le chiffrage, incomplet, du programme d'Emmanuel Macron, lire notre article ici). Selon un sondage réalisé par OpinionWay en mars dernier, par exemple, les sympathisants LR étaient 55% à considérer la réduction de la dette comme une priorité, contre 45% pour le pouvoir d’achat.