Le remaniement de jeudi marque clairement la reprise en main de François Hollande et l'affaiblissement de Manuel Valls. L'éjection de Fleur Pellerin du ministère de la Culture incarne le bras de fer politique discret, mais viril entre l’Elysée et Matignon. L'ancienne conseillère de campagne du président de la République est une amie de Manuel Valls, avec qui elle a passé le réveillon du 31 décembre. Elle est limogée alors même qu’elle défend sa loi culture au Parlement. Son éviction sert à la promotion d'Audrey Azoulay, conseillère et protégée du chef de l'Etat.
L'autorité de Manuel Valls bafouée. Autre symbole : les écologistes, que Manuel Valls a fait fuir et que François Hollande fait revenir. Le chef de l'Etat leur offre la remise en cause de Notre-Dame-des-Landes via une consultation citoyenne. L'autorité de Manuel Valls, qui voulait rester ferme sur le projet d'aéroport, est bafouée. Et puis, le prédécesseur de Manuel Valls à Matignon, Jean-Marc Ayrault, devient numéro deux du gouvernement à la tête du ministère des Affaires étrangères. Il se trouvera à la droite de François Hollande au conseil des ministres et restera en ligne directe avec le Président, signe que les Affaires étrangères échappent à Matignon.
Un besoin permanent d'en découdre. Avec ce tour de vis, François Hollande veut élargir sa majorité, mais que reproche-t-il à Manuel Valls ? Le chef du gouvernement est loyal et il est d’ailleurs toujours en poste. Il a, aux yeux du chef de l'Etat, un défaut majeur : il divise plus qu’il ne rassemble. Quand Christiane Taubira a quitté le gouvernement en disant "Résister, c’est savoir partir", Manuel Valls n'a pu s’empêcher de lui répondre "Résister, c’est affronter la réalité". Le président de la République reproche à son Premier ministre ses rapports de force permanents et cette irrésistible besoin d’en découdre. "Il faut faire attention aux rapports humains", répète souvent le chef de l'Etat en privé.
Valls privé de discours de politique générale. C’est parce qu’il a besoin de rassembler, d’apaiser, que François Hollande a tenu son Premier ministre à distance du remaniement, en le privant d’un discours de politique générale. Un remaniement de cette ampleur induit traditionnellement la démission du gouvernement et la nomination d’un nouveau Premier ministre, qui doit prononcer un discours pour asseoir son autorité au Parlement. L’Elysée a choisi une procédure simplifiée et c’est le Président en personne qui a pris soin d'expliquer le sens de ce remaniement aux Français, le jour même, à la télévision.
Un attelage à surveiller de près. Un gouvernement large, avec un Premier ministre un peu en retrait : comment va tenir cet attelage ? Il y a deux Premiers ministres - l’ancien et celui qui a eu sa tête - qui se détestent cordialement, tandis que le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, un protégé du Président, est biffé régulièrement par Manuel Valls. De son côté, Ségolène Royal est déçue de ne pas avoir eu le quai d’Orsay, sans oublier une kyrielle de secrétaires d’Etat inexpérimentés. François Hollande va devoir tenir les rênes serrés pour éviter les couacs.