Ils ont juré, la main sur le cœur. Tout à tour, Myriam El Khomri et Manuel Valls ont assuré ces deux derniers jours que la procédure du 49-3 ne serait pas engagée sur la loi Travail. Mais alors que l’Assemblée a débuté mardi l’examen du projet de loi "visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s" (selon sa terminologie officielle), l’hypothèse d’un passage en force ne semble pas définitivement écartée. Plusieurs signes le montrent.
Une idée jamais vraiment abandonnée. Le problème, pour Manuel Valls, qui tient beaucoup à l’adoption de ce texte, c’est qu’une majorité est encore loin d’être acquise, puisque selon l’aveu même du rapporteur du texte, le socialiste Christophe Sirugue, il manque une quarantaine de voix. Pour enfin sortir d’un débat qui a fait descendre dans la rue une partie de la gauche et de la jeunesse, le Premier ministre pourrait dégainer le fameux article 49-3 de la Constitution, qui permet une adoption sans vote des députés tout en engageant la responsabilité du gouvernement. "Le gouvernement envisage en effet de passer la loi au 49-3", lâchait lundi au Point une source gouvernementale. L’hypothèse "n'est pas écartée", confirme-t-on mercredi au Parisiendepuis "le sommet de l’Etat".
Ce n’est pas tout. Selon Le Canard Enchaîné de mercredi, Yves Colmou, conseiller spécial de Manuel Valls, a été surpris, - sciemment ou non - mardi lors de la réunion du groupe PS à l’Assemblée en train de consulter un texte portant justement sur l’utilisation du 49-3. De quoi, forcément, alimenter la rumeur.
Bruno Le Roux, le président du groupe PS à l'Assemblée, a été encore plus précis. "S’il y a des stratégies d’obstruction, s’il y a des stratégies qui visent à faire des majorités improbables, qui n’ont rien en commun, mais qui visent à mettre en difficulté le gouvernement, le groupe parlementaire majoritaire, alors nous nous poserons la question", a prévenu le député de Seine-Saint-Denis mercredi matin sur LCP.
Une option envisagée dès le départ. En outre, personne n’a oublié que la perspective d’un passage de la loi travail grâce au 49-3 était envisagée dès le départ par Manuel Valls. Lors d’une interview donnée par Myriam El Khomri aux Echos mi-février, les services de Matignon avait fait rajouter cette phrase lourde de sens : "Nous prendrons nos responsabilités". L’information est confirmée mercredi au Parisien par Pierre Jacquemain, ancien conseiller de la ministre du Travail, qui a claqué la porte le 1er mars dernier. Et le jeune homme va même plus loin.
"Dès le moment où le gouvernement a décidé de construire un texte particulièrement libéral et droitier, qui renonce aux fondamentaux de la gauche, ce scénario (du 49-3) était sur la table", assure Pierre Jacquemain. "Manuel Valls savait qu'il n'aurait pas de majorité sur ce texte. Et il n'a d'ailleurs jamais cherché à obtenir une majorité de gauche. La seule solution était alors d'utiliser le 49-3."
Certes, depuis sa première version, présentée le 17 février, la loi Travail a été largement édulcorée. Son passage en commission des Lois à l’Assemblée l’a rendue encore un peu plus présentable pour la majorité socialiste, et plusieurs amendements, sur les quelque 5.000 présentés, devraient encore la remanier. Mais les signaux envoyés ces derniers jours par Manuel Valls le montrent clairement : le recours au 49-3 n’a jamais été totalement écarté par le Premier ministre. Les députés PS tentés par une opposition au texte sont prévenus. Selon Europe 1, certains d'ailleurs, ne seraient pas contre, puisqu'ils pourraient affirmer à leurs électeurs qu'ils n'ont rien pu faire.