Rentrée 2016 : le vote des enseignants est-il déjà perdu pour Hollande ?

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© PHILIPPE WOJAZER / POOL / AFP
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La rentrée scolaire 2016, la dernière avant la présidentielle, s'annonce politiquement tendue pour le gouvernement.

La rentrée scolaire est arrivée et l'ambiance ne semble pas être à l'euphorie dans les rangs des enseignants. Lors d'une conférence de presse, Frédérique Rolet, secrétaire générale du Snes-FSU, premier syndicat dans le secondaire, a évoqué jeudi dernier "un état d'esprit des enseignants marqué par beaucoup de lassitude devant l'empilement des réformes". L'enseignante dénonce le "fossé qui s'est creusé entre le gouvernement et les enseignants", avec "une perte de sens du métier". "Les professeurs sont très désorientés, ils ne savent plus ce qu'on leur demande", renchérit-elle.

Une intersyndicale, composée du Snes-FSU, de la CGT, de FO et de Sud, a appelé à la grève le 8 septembre, pour protester contre les conditions de rentrée et la réforme du collège. En cette dernière rentrée du quinquennat Hollande, Frédérique Rolet fait surtout part "d'un sentiment de gâchis", émanant d'un corps électoral qui, au premier tour de la présidentielle de 2012, avait voté à 44% pour le candidat PS d'alors. A quelques mois de la présidentielle le chef de l'Etat - qui n'a pas encore fait part de ses intentions sur sa candidature- a-t-il définitivement perdu le vote des enseignants ? S'il lui reste quelques notes d'espoir, la partie semble mal entamée.

Des gestes qui ne suffisent pas. Cité lundi par Le Parisien, Jean-Christophe Cambadélis, continue de croire que le futur candidat PS (que ce soit François Hollande ou un autre) a des chances de reconquérir l'électorat enseignant. Et ce malgré le bilan de la majorité. Ou plutôt grâce au bilan de la majorité : "Il faut indiquer tout ce qui a été fait, en termes budgétaires, en termes de création de poste", martèle-t-il. Par "tout ce qui a été fait", le patron du PS pense, notamment, à la récente revalorisation des carrières et de la rémunération des professeurs, qui se traduira notamment par une hausse moyenne des salaires dès 2017 de 50 euros par mois, et de 100 euros par mois à partir de 2020. Le patron du PS a aussi en tête la création de 42.000 postes dans l'Education nationale depuis le début du quinquennat. Mais cela n'a visiblement pas suffi à convaincre.

Les enseignants sont "mécontents de leur salaire et leurs conditions de travail". Le plan de revalorisation progressif de leurs salaires, échelonné au-delà de l'élection présidentielle, "vient trop tard", dénonçait Frédérique Rolet jeudi dernier, pointant une "volonté du gouvernement de raccrocher le vivier électoral que constituent les enseignants". "Les mesures sur l'Education nationale, même les revalorisations de salaire ou les ouvertures de postes, ne sont pas mises au crédit du gouvernement par les enseignants", renchérit  Bruno Jeanbart, directeur d'étude politique chez OpinionWay, contacté par Europe 1.

Des réformes rédhibitoires ? Selon un sondage Opinionway paru en juillet 2015, le dernier à aborder précisément la question, seuls 21% des plus de 800.000 enseignants français seraient prêts à voter François Hollande en 2017. "Il y a eu tout une série d'évènements qui ont envenimé les choses", explique pour Europe 1 Frédéric Dabi, directeur adjoint de l'Ifop. Et d'énumérer : "la réforme des rythmes scolaires, massivement rejetée par le corps enseignant. La volte-face du gouvernement sur les ABCD de l'égalité, perçue comme un recul, notamment face aux militants de la Manif pour tous. Et maintenant la réforme du collège (74% des enseignants se disent opposés à la réforme, contre 61% des Français, selon l'Ifop)".

Au-delà de ces questions propres à l'Education nationale, la déception du corps enseignant, traditionnellement à gauche, rejoint celle de tout l'électorat traditionnel du PS. Un sondage Ifop publié dimanche indiquait que seuls 49% des sympathisants socialistes se montraient satisfaits de l'action de François Hollande, contre 57% un mois plus tôt. "C'est tout le peuple de gauche que la majorité actuelle doit reconquérir. Et les enseignants en sont une partie", décrypte Frédéric Dabi.

Bruno Jeanbart d'OpinionWay, ne dit pas autre chose : "Les enseignants forment un électorat sensible à toutes les problématiques de l'électorat de gauche. Des réformes comme la loi Travail ou des propositions comme la déchéance de nationalité ont affaibli le rapport entre le PS est cet électorat". Selon Bruno Jeanbart, le divorce vient de là. La réforme du collège ou la question des nouveaux programmes, qui entrent en vigueur en cette rentrée 2016, "mettent certes de l'huile sur le feu. Mais ce n'est pas l'enjeu majeur". Autrement dit, même dans l'hypothèse où ces réformes se mettraient en place sans accroc, il n'est pas sûr que cela aurait un impact sur le vote des enseignants.

Le salut de Hollande… viendra-t-il de Sarkozy ? La bataille est-elle définitivement perdue ? Peut-être pas. "Certains éléments peuvent rester mobilisateurs", assure Bruno Jeanbart. Primo : la peur du FN. "Les enseignants constituent un électorat encore fermé au FN, et ils pourraient être tentés par le vote utile", analyse Bruno Jeanbart. Secondo : la peur de Sarkozy. "L'affrontement gauche-droite pourrait être un vrai sujet pour les enseignants. La tournure musclée, très à droite, que prend la campagne de l'ancien chef de l'Etat peut peser dans la balance", poursuit le politologue. "Les enseignants ne peuvent pas placer d'espoir dans la droite. La droite, c'est la remise en cause de l'Education nationale", tacle d'ailleurs dans Le Parisien Jean Christophe Cambadélis, bien décidé à jouer cette carte à fond.

"Les enseignants ne voteront pas à droite, c'est une certitude. Mais l'enjeu sera de les faire voter tout court", nuance Frédéric Dabi. "Lors des élections intermédiaires, les enseignants sont peu allés voter. Ils ne sont même pas allés voter pour d'autres partis de gauche", poursuit le sondeur. Contacté par le Parisien, le Snes-FSU, émet les mêmes doutes. "Entre la déception inspirée par le PS et le conflit majeur entretenu avec la droite, c'est l'abstention qui risque de sortir grandie du vote enseignant", résume le quotidien, citant le syndicat.