Pour tracer sa route, il lui faudrait donc tuer le père. Invité de L'Émission politique sur France 2 jeudi soir, Emmanuel Macron a veillé à mettre à distance François Hollande. Son mentor en politique, celui qui lui a donné sa chance en le nommant secrétaire général adjoint à l'Élysée en 2012, puis ministre de l'Économie en 2014, est visiblement devenu un encombrant fardeau.
"Je n'étais pas d'accord avec tout". "J'assume tout", a commencé par dire le fondateur d'En Marche! au bout de quelques minutes d'émission. "Je n'ai, contrairement à certains, jamais manqué de respect à François Hollande." Mais ce n'était que la caresse avant le bâton. "Comme je n'étais pas d'accord avec tout, je suis parti une première fois", a expliqué Emmanuel Macron en faisant allusion à son départ de l'Élysée en juin 2014. Il avait été rappelé à Bercy deux mois plus tard. "J'ai pu conduire des réformes avec son soutien, et puis nous avons eu [d'autres] désaccords. Je l'ai dit très clairement."
"Je ne vais pas aller sur un camion". Les piques se sont ensuite multipliées. Confronté à un "invité mystère" qui s'est révélé être François Ruffin, journaliste à la revue Fakir et auteur du documentaire Merci Patron !, Emmanuel Macron a dû justifier pourquoi il n'était pas allé rendre visite aux salariés de l'usine Whirlpool d'Amiens, menacée de délocalisation l'année prochaine. "Mon silence n'est pas une indifférence, mon silence est un refus de manipuler les situations", s'est défendu l'ancien ministre de l'Économie. "Je ne vais pas aller sur un camion et dire qu'avec moi, ça ne va pas fermer. Ce n'est pas vrai." Une allusion directe à la campagne de François Hollande en 2012, lorsque le candidat socialiste était monté sur une camionnette devant les salariés des hauts fourneaux de Florange pour leur promettre une loi pour les protéger.
"Un président n'est pas normal". Sur sa vision de la présidence aussi, Emmanuel Macron a taclé le chef de l'État et ses promesses de "président normal". "Un président n'est pas normal. Ce n'est pas quelqu'un de normal car il doit conduire la politique du pays", a-t-il estimé, assumant une vision plus verticale de l'action présidentielle.
C'est aussi sur son rapport à la presse que le candidat a tenu à se démarquer de François Hollande. "Le dernier quinquennat a été d'une trop grande proximité avec les journalistes", a-t-il asséné, en référence aux innombrables entretiens accordés par le chef de l'État. "Quand on préside, on n'est pas copains avec les journalistes."
"Je suis plus tranchant". Le face-à-face d'Emmanuel Macron avec Bruno Retailleau, fidèle lieutenant de François Fillon, lui a donné les dernières occasions de décocher quelques flèches supplémentaires contre son mentor. "Je ne suis pas plus fabriqué par François Hollande que vous n'êtes fabriqué par Philippe de Villiers", a-t-il lancé à l'adresse de celui qui a été très proche du créateur du Puy du Fou au début de sa carrière politique.
Se définissant comme "plus tranchant" que le président socialiste, Emmanuel Macron a aussi souligné qu'il avait "vu qu'on pouvait faire beaucoup mieux, beaucoup plus fort, qu'on pouvait transformer le pays". Ultime tentative du soir de se défaire de ce sobriquet "Emmanuel Hollande" dont l'affuble la droite dans les médias et sur les réseaux sociaux ces dernières semaines, un sobriquet forcément gênant pour un candidat qui revendique une alternance "profonde".