"C’est une farce ! Ou alors vous ne connaissez pas vos dossiers et la région". Le tacle de Pierre de Saintignon est adressé à Xavier Bertrand. Mais on aurait aussi pu relever les attaques de Marine Le Pen contre ses rivaux. Et vice versa. Pendant les plus de 100 minutes qu’a duré le débat organisé mardi soir par Europe 1, iTELE et La Voix du Nord, les trois candidats en Nord-Pas-de-Calais-Picardie se sont lancé des anathèmes, s’accusant mutuellement de mentir pour gagner des voix. Mais qu’en est-il vraiment ? Europe 1 vous livre quelques éléments de réponse.
• LES MIGRANTS
Souffrant, entre autres choses, d’insalubrité, plusieurs migrants ont décidé de quitter Calais. Ce qui a fait réagir Marine Le Pen : "Ils font ce que Valls veut faire : la dissémination de l’immigration dans toutes les campagnes. C’est d’ailleurs le rôle que jouait ce jet privé (en fait un avion du ministère de l’Intérieur, ndlr), c’est-à-dire d’emmener les migrants vers Toulouse, vers Perpignan. Et ils revenaient gratuitement car avec la SNCF, les migrants, eux, ont le droit de voyager gratuitement, ce qui n’est pas le cas des habitants de la région".
>> Pourquoi c’est faux
Gilbert Collard, député du Rassemblement Bleu Marine, avait lui aussi avancé la même idée, s’appuyant sur une note interne de la SNCF, dans laquelle il était écrit que les employés peuvent émettre, "si les conditions le permettent, des réservations à zéro euro pour mesures exceptionnelles". Donc le billet est gratuit ? Pas du tout, puisque la réservation et le billet sont deux choses distinctes. La réservation n’est qu’une petite partie du cout total, de 1,50 à 13 euros. Et c’est seulement cette part que la SNCF propose de ne pas faire payer aux migrants. Contactée par Europe 1, la SNCF a assuré que, pour le moment, la gratuité a été accordée… huit fois.
La SNCF met-elle en place des places gratuites...par Europe1fr
• FRONT REPUBLICAIN
Sur le front républicain, Pierre de Saintignon a été mis en difficulté par Marine Le Pen. La présidente du FN a relayé une interview du porte-parole du candidat socialiste, François Lamy, où celui-ci affirme que la gauche pourrait se retirer au profit de Xavier Bertrand au cas où elle termine derrière les deux autres candidats. Réponse de Pierre de Saintignon : "François Lamy n’a jamais dit ça, je démens formellement".
>> Pourquoi c’est faux
Malheureusement pour le candidat socialiste, François Lamy a bel et bien prononcé ces paroles. Interviewé le 23 octobre par des étudiants en journalisme à Lille, sur le blog du Monde consacré à ce sujet, le député de l’Essonne explique ceci : "Si les partis de gauche sont derrière Xavier Bertrand, le retrait est envisagé. Mais ça serait bien que la gauche ne se retire pas complètement, et si Xavier Bertrand accepte un accord, qu'on conserve quelques élus. Mais ça, il faudra en discuter en interne."
Il convient de préciser que les propos de François Lamy n’engagent que lui mais la question est au centre des préoccupations dans le Nord. De plus, ces paroles s'inscrivent dans la stratégie de Manuel Valls qui, en parallèle sur le Bondy Blog, a estimé qu’il était “hors de question” de laisser le Front national gagner une région.
• CHÔMAGE
Parce que sa "région est comme [son] pays", Xavier Bertrand estime que ce qu’il lui faut, "c’est du travail. C’est la raison pour laquelle je décide de m’attaquer à ce paradoxe des emplois non pourvus. Tout le monde sait qu’il y a des chefs d’entreprises qui ne trouvent pas. Et, en même temps, il y a des demandeurs d’emplois qui ne trouvent pas de débouchés." Et l’ancien ministre du Travail d’avancer un chiffre : "il y a 120.000 offres d’emplois non pourvus".
>> Pourquoi c’est faux
Ce n’est pas la première fois que Xavier Bertrand avance ce nombre, loin de là. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il est vrai, comme l’a déjà démontré Libération. Le candidat à la primaire des Républicains s’appuie sur un rapport de Pôle Emploi, intitulé "Besoin en main-d’œuvre". L’agence, chaque année, sollicite les entreprises pour "connaître leurs besoins en recrutement". En 2015, dans le Nord-Pas-de-Calais, les employeurs envisagent 79.902 embauches et 40.119 en Picardie, soit un total de 120.021 intentions de recrutements. Donc Xavier Bertrand a bien raison ?
Non, car déjà l'année n'est pas terminée. Et si une entreprise assure, au moment de l’enquête de Pôle emploi, qu’elle peut embaucher dans l’année, elle est toujours à la merci d’aléas économiques qui pourraient, in fine, l’empêcher de réaliser ses ambitions de recrutements. De plus, quand l’intention d’embaucher se traduit réellement, il n’existe, pour l’heure, aucune statistique pour affirmer qu’ils ne sont pas pourvus. Libé rappelle même que "sur la base des déclarations des employeurs à l’Urssaf, Pôle Emploi estime que 80 % des intentions d’embauche donnent lieu à des embauches bien réelles."