Tout le monde pense qu'il va y aller, mais ne comptez pas sur lui pour le dire trop tôt. Non, il ne s'agit pas de Nicolas Sarkozy pour la primaire de la droite, mais bien de François Hollande pour la primaire de la gauche de gouvernement. Le président n'annoncera sa candidature qu'à la fin de l'année pour pouvoir participer au scrutin pré-présidentielle, prévu en janvier. Mais il adopte d'ores et déjà une attitude de candidat. Dernier exemple en date : une longue interview aux Échos, qui ne laisse que peu de place au doute quant à son envie de se présenter. La preuve en cinq points.
Il promet de nouvelles baisses d'impôt…
…un grand classique avant l'élection. Dans son interview aux Échos jeudi, François Hollande a détaillé les baisses d'impôts promises pour 2017. Le coup de pouce atteindra 2 milliards d'euros et sera "ciblée sur les classes moyennes", alors que les gestes fiscaux décidés ces dernières années se concentraient sur les plus modestes. Une mesure dont l'effet concret restera limitée, et qui sert donc surtout à envoyer un signal. "Là, maintenant, ça passe plus comme des cadeaux fiscaux, alors qu'en début de quinquennat, cela aurait peut-être été plus intéressant pour soutenir le pouvoir d'achat", analyse ainsi l'économiste Mathieu Plane au micro d'Europe 1.
De fait, baisser les impôts juste avant une échéance électorale est un coup classique de la politique française. Cela a été fait par la gauche avant les législatives de 1986, puis celles de 1993. La droite l'a fait avant la présidentielle de 1995, celle de 2002 et celle de 2007. En revanche, le gouvernement de François Fillon y avait renoncé avant 2012.
Il défend son bilan…
…avec un slogan, "ça va mieux". Lancé à la mi-avril lors de l'émission "Dialogues citoyens", le "ça va mieux" de François Hollande est devenu un véritable slogan. Le président et ses alliés les plus proches s'en servent désormais pour défendre le bilan du quinquennat, appuyant sur le retour de la croissance, la maîtrise du déficit et même, en dépit de chiffres très fluctuants, le retour de l'emploi. "Il y a bien une reprise en France et un début d'inversion de la courbe du chômage, c'est un fait indiscutable", a indiqué le chef de l'État aux Échos.
Début mai, déjà, lors d'un discours sur la gauche et le pouvoir, François Hollande avait listé les avancées de son mandat, de la généralisation du tiers-payant au compte-pénibilité en passant par les créations de postes dans l'Éducation nationale.
Il se mêle de la campagne américaine...
…pour dénoncer le Front national. L'interview aux Échos est l'occasion, pour le président, de mettre son grain de sel dans les élections américaines. Selon lui, l'élection de Donald Trump "compliquerait les rapports entre l'Europe et les États-Unis". Et François Hollande de dresser un parallèle entre le Républicain permanenté et le Front national. "Ses slogans diffèrent peu de ceux de l'extrême droite en Europe et en France : peur de la déferlante migratoire, stigmatisation de l'islam, mise en cause de la démocratie représentative, dénonciation des élites."
En donnant, en creux, des recommandations de vote aux Américains, François Hollande n'adopte plus la position d'un président, au-dessus de la mêlée. Surtout, cela lui permet de se positionner lui-même en rempart contre le populisme.
Il cogne sur la droite…
…et tous les candidats en prennent pour leur grade. François Hollande profite également de son interview fleuve pour pilonner les programmes des candidats à la primaire de la droite. Leurs projets sont "éminemment dangereux pour notre modèle social", estime-t-il, et comportent "beaucoup d'inconséquence et peu de justice". Si le chef de l'État reconnaît qu'il existe quelques différences entre chaque prétendant LR à l'investiture "sur l'Europe et sur l'identité nationale", il n'en trouve aucune sur le reste. "C'est, si je puis dire, un fonds commun de mauvais placement."
La formule fait mouche et renvoie tous les candidats LR dos à dos. Une façon de gommer les spécificités que chacun cherche à mettre en avant pour se démarquer (le renouveau de Bruno Le Maire, le progressisme d'Alain Juppé). François Hollande avait usé de la même stratégie le 17 mai dernier, au micro d'Europe 1. "Ce que je vois, c'est qu'ils disent à peu près tous la même chose", avait-il taclé.
Il se replace à gauche…
…et appelle au rassemblement. Taper uniformément sur les programmes de la droite permet à François Hollande de réactiver le clivage gauche/droite et donc se définir, en creux, comme un candidat de gauche. Ce qui lui est indispensable, alors que sa propre majorité est très divisée, une partie l'accusant d'avoir trahi la gauche. Le président revient d'ailleurs sur ces critiques, pour mieux les balayer. "Sur la loi Travail, je n'ai manqué à aucun de mes principes", assène-t-il. "La trahison, c'eût été de laisser le pays dans l'état où je l'ai trouvé. Je m'en expliquerai devant les Français autant que nécessaire."
Le chef de l'État appelle l'unité à gauche de ses vœux. "Il y a une gauche de gouvernement. Celle-là, dans toute sa diversité, elle doit se rassembler. C'est son devoir ; sinon elle laissera la place à la droite ou à l'extrême droite", déclare-t-il, se positionnant comme le leader de cette gauche-là. "Et puis il y a une gauche de contestation. Le pire serait, dans une Europe minée par le populisme, de considérer que gouverner c'est trahir."