À quoi joue le ministre de l'Économie ? Après avoir lancé, le mois dernier, son mouvement "En Marche!", Emmanuel Macron cherche désormais à le financer en faisant appel à des donateurs. Mais ce que le ministre appelle du "crowdfunding" pourrait, selon la droite, relever du conflit d'intérêts.
- Pourquoi la droite attaque-t-elle les levées de fonds d'Emmanuel Macron ?
C'est mardi 10 mai que l'opposition s'est, pour la première fois publiquement, emparée de la question. Lors des questions au gouvernement, le député Les Républicains Georges Fenech a interpellé l'exécutif au sujet des "levées de fonds" organisées par Emmanuel Macron pour "En Marche!". "Dans quel cadre un ministre peut-il lever des fonds, démarcher personnellement des donateurs à l'étranger, et pour quelle finalité ?", s'est demandé l'élu, dénonçant "la confusion des genres ou, pire, le conflit d'intérêts". Autrement dit, Georges Fenech soupçonne Emmanuel Macron de faire campagne aux frais de l'État, en profitant de sa position à Bercy. Depuis, le député LR a adressé un courrier à Jean-Louis Nadal, le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, pour enjoindre celui-ci à "éclaircir cette situation".
Les soupçons de Georges Fenech s'appuient sur des révélations de presse autour d'un séjour d'Emmanuel Macron à Londres, à la mi-avril. Selon Paris Match et Le Point, le ministre de l'Économie aurait, en marge d'un déplacement officiel, participé à une rencontre avec des entrepreneurs. Ces derniers auraient été encouragés à mettre la main au porte-monnaie pour "aider Emmanuel". Paris Match assure que le ministre aurait réussi à récolter près de 13 millions d'euros. Chiffre depuis démenti par le principal intéressé. De son côté, BFM TV a dévoilé un e-mail envoyé par un proche du patron de Bercy. Selon ce document, "deux soirées de fund-raising" pour récolter des donations privées seraient en passe d'être organisées.
- Que répond le gouvernement ?
Le Premier ministre, Manuel Valls, qui a répondu à Georges Fenech lors des questions au gouvernement, s'est empressé de nier. "Il n'y a eu aucune levée de fonds particulière pour je ne sais quelle association", a-t-il vitupéré. Même son de cloche du côté d'Emmanuel Macron, deux jours plus tard. Le 12 mai, le ministre de l'Économie réfute les informations du site Mediapart, qui croit savoir qu'il va annoncer sa candidature à l'élection présidentielle en juin. Et en profite également pour revenir sur l'affaire du financement de son mouvement. "Je ne vais pas me déclarer le mois prochain et je n'ai pas fait de levée de fonds à cet égard", affirme-t-il en marge d'un colloque à Bercy.
Une semaine plus tard, le discours est légèrement différent. En réalité, précise Emmanuel Macron, un "appel aux dons" a bel et bien été lancé. Mais "je ne fais pas de levées de fonds dans des milieux autorisés, je n'ai jamais démarché des gens", assure le ministre de l'Économie. Pour lui, il s'agit donc de "crowdfunding", toujours organisé "de manière publique".
- À combien s'élèvent les dons et à quoi servent-ils ?
Dans un e-mail envoyé mercredi, "En Marche!" dit avoir reçu 398.570 euros de dons de la part de "près de 1.000 citoyens engagés". Soit presque 400 euros en moyenne, mais le message précise que la plupart des dons n'excèdent pas 20 euros. L'émetteur encourage donc ses adhérents à contribuer "pour pouvoir aller plus vite et plus fort". De fait, l'adhésion à "En Marche!" est gratuite. Et le mouvement, dépourvu d'élus, ne peut pas compter sur des subventions publiques. Ne lui reste donc plus que l'appel aux dons.
"En Marche!" fonctionne comme un micro-parti, en s'adossant à une association de financement. Cette dernière, présidée par Christian Dargnat, ancien directeur général de la BNP Assets Management, a reçu l'agrément de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Recevoir des dons est donc tout à fait légal. En revanche, ces dons sont plafonnés à 7.500 euros par an pour les particuliers.
Officiellement, l'argent récolté par le mouvement doit permettre d'organiser la "grande marche" à la rencontre des Français, prévue cet été, et de développer les "outils numériques" du mouvement.. Mais l'e-mail dévoilé par BFM TV, qui évoquait des réunions privées de fund-raising, laisse penser que la finalité réelle de ces dons est bel et bien le scrutin de 2017. "Il faut 18 millions d'euros pour financer une campagne présidentielle en France", précise en effet l'émetteur.