C'est le quatrième scrutin d'ampleur en deux ans pour les Corses. Après les régionales 2015, la présidentielle et les législatives, les électeurs de l'île de Beauté sont de nouveau appelés aux urnes, dimanche, pour le premier tour des élections territoriales. Un scrutin qui annonce une nouvelle organisation territoriale qui pourrait bien se doubler d'une montée en puissance des nationalistes.
Pourquoi les Corses sont-ils appelés aux urnes les 3 et 10 décembre ?
Les élections territoriales se déroulent habituellement en même temps que les élections régionales métropolitaines. Elles concernent les collectivités de Corse, de Guyane et de Martinique. Mais l'adoption, début 2017, de la loi NOTre (Nouvelle organisation territoriale de la République) a changé la donne pour la Corse. En effet, le texte prévoit la fusion des deux conseils départementaux de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, avec une Assemblée et un conseil exécutif situés à Ajaccio.
Cette nouvelle organisation territoriale prendra effet au 1er janvier 2018. Les Corses sont donc amenés à se prononcer les 3 et 10 décembre pour désigner les représentants de l'Assemblée cette collectivité unique. Ils retourneront ensuite aux urnes en 2021 pour se réaligner sur le calendrier électoral national.
Quel est le mode de scrutin ?
Il s'agit, comme pour les élections régionales, d'un scrutin proportionnel avec prime majoritaire qui permet de se répartir 63 sièges. Toutes les listes qui dépassent 7% des suffrages peuvent se maintenir au second tour. Celles qui obtiennent entre 5 et 7% peuvent se maintenir à condition de fusionner avec l'une des listes à plus de 7%.
Au soir du second tour, la liste qui remporte le scrutin obtient une prime de 18%, soit 11 sièges. Tous les sièges restants sont ensuite répartis à la proportionnelle. L'Assemblée ainsi élue votera ensuite pour désigner le conseil exécutif.
Qui est candidat ?
Huit listes ont été déposées en préfecture, mais l'écologiste a finalement renoncé à se présenter faute de budget. Au total, sept sont donc en lice pour les élections.
La majorité sortante présente Pè a Corsica, une alliance des autonomistes, derrière Gilles Simeoni, et des indépendantistes de Jean-Guy Talamoni. Une seconde liste indépendantiste, Core in fronte, portée par Paul-Félix Benedetti, défend une ligne plus radicale.
Le Front national présente la liste Rassemblement pour une Corse républicaine de Charles Giacomi.
À droite, deux listes s'opposent : celle de Jean-Martin Mondoloni, La voie de l'avenir, et celle de Valérie Bozzi, Voir plus grand pour elle. Aucune des deux n'a obtenu l'investiture LR.
Jean-Charles Orsucci, lui, a obtenu l'investiture LREM pour présenter sa liste Andà per Dumane.
Enfin, à gauche, le PS n'apparaît pas dans le tableau, faute d'avoir su s'entendre avec EELV. Les communistes de Jacques Casamarta se sont alliés aux Insoumis pour présenter L'Avenir, la Corse en commun. Une liste commune désapprouvée par Jean-Luc Mélenchon, qui a fustigé une "tambouille" et une "usurpation du sigle" de la France Insoumise. Les Insoumis corses n'ont donc pas d'investiture officielle et se présentent en tant que dissidents.
Qui part favori ?
Les nationalistes sortants, aux commandes depuis les régionales 2015, sont clairement favoris d'une élection lors de laquelle ils n'ont que peu de concurrents. La droite est divisée, la gauche n'a même pas réussi à constituer de liste, très affaiblie par le départ de Paul Giacobbi, ancien président du conseil exécutif. Lors des législatives, trois députés nationalistes l'ont emporté, arrachant des fiefs LR aux mains de candidats de droite. Bref, les autonomistes et indépendantistes ont le vent en poupe et leurs meetings font le plein, à l'instar de celui qui s'est tenu jeudi soir à Bastia.
Une victoire des nationalistes serait-elle un pas supplémentaire vers l'indépendance ?
La création d'une collectivité unique n'entraîne pas automatiquement plus d'autonomie pour la Corse. L'État ne transfèrera aucune compétences supplémentaires. En revanche, c'est bel et bien l'objectif des nationalistes, qui font campagne pour une "autonomie de plein droit et de plein exercice, avec pouvoir législatif, réglementaire et fiscal".
Cependant, autonomie ne signifie pas indépendance, et cette perspective, bien qu'agitée comme un chiffon rouge par l'opposition, semble plus lointaine encore. Notamment parce que Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni ne sont pas forcément d'accord sur le sujet, le second étant plus radical que le premier. Tous deux s'évertuent donc à répéter que l'indépendance n'est pas l'enjeu de ces élections territoriales. Du moins pour l'instant.
Le même devoir de réserve que pour les autres élections
Les médias, les militants et les partis politiques sont soumis aux mêmes règles pour les élections territoriales corses que pour les autres. Aucun sondage ne peut donc être publié à compter de vendredi soir, minuit. Tout message à caractère de propagande électorale est proscrit, et il est également interdit de diffuser un résultat partiel ou définitif avant la fermeture du dernier bureau de vote.