Laurent Wauquiez est le chef des Républicains, et quand il parle, c’est le parti qui parle. Sauf que parfois, ça ne se passe pas de manière aussi limpide. Exemple avec l’affaire Darmanin. Alors que le ministre des Comptes publics est accusé de viol, Les Républicains ont diffusé mardi une position officielle - en fait celle de leur nouvel homme fort : l’appel à la démission. Une ligne loin, très loin d’être suivie par les caciques du parti. Certains ont publiquement fait savoir leur désaccord, ce qui ne fait pas forcément bon genre. Mais nécessité fait loi.
Wauquiez persiste
Laurent Wauquiez, en tout cas, semble considérer important d’être constant. Le président des Républicains a répété son antienne mercredi. "Je pense qu'il est très difficile pour les Français qu'un ministre qui fasse l'objet de telles accusations soit maintenu au gouvernement", a-t-il déclaré en marge d’un déplacement dans le Val d’Oise. Evidemment, c’est aussi pour lui l’occasion de glisser un petit tacle au couple exécutif. "il y a un vrai problème de cohérence de la part d'Emmanuel Macron et du Premier ministre", a-t-il souligné, en référence aux départs mi-2017 des ministres François Bayrou, Sylvie Goulard, Marielle de Sarnez ou encore Richard Ferrand, mis en cause dans des affaires sans pour autant être mis en examen.
Pourtant, nombre de voix s’étaient élevées pour le contredire, dans son propre camp. Et pas des moindres. Ainsi Virginie Calmels, sa première vice-présidente. "Je crois profondément à la présomption innocence, c'est important que dans notre République, la présomption d'innocence ne soit pas bafouée", a déclaré sur LCI la première adjointe d'Alain Juppé à Bordeaux. Guillaume Peltier, second vice-président ?"Je ne vois pas en quoi Gérald Darmanin devrait aujourd'hui démissionner", a estimé mardi le député du Loir-et-Cher pour qui, "quand la tyrannie du bruit médiatique et de la rumeur l'emporte sur la présomption d'innocence, c'est la démocratie qui est abîmée".
Pis, même Nicolas Sarkozy a témoigné à Gérald Darmanin une marque de soutien. L’ancien président de la République, encore très influent parmi les militants et sympathisants LR, a été reçu à Bercy et lui a, selon son entourage, "témoigné affection et amitié".
N’insulter ni le passé, ni l’avenir
Si certains Républicains sont dans la retenue, c’est qu’ils ont de la mémoire. "Nous qui avons dénoncé en son temps le lynchage médiatique de nos candidats (dont François Fillon, ndlr), on devrait avoir un peu de pudeur et ne pas se mettre dans la situation dans laquelle on demande la démission", a ainsi estimé mercredi sur France Inter Jean Léonetti, tout récemment nommé président du Conseil national LR. "On n'est pas obligé non plus, lorsqu'on est un dirigeant politique comme l'est Laurent Wauquiez aujourd'hui, d'intervenir à tort et à travers sur tous les sujets", a sévèrement tancé le maire d'Antibes-Juan-les-Pins.
Eric Woerth, en son temps contraint à la démission en raison de plusieurs affaires liées à la nébuleuse affaire Bettencourt, est lui aussi prudent. "L'accusation ne vaut pas jugement. Je ne dis pas que ça ne pèse pas (...) mais on ne peut pas juger avant les juges", a estimé le président de la commission des finances de l’Assemblée mardi sur BMFTV.
Il s’agit aussi de ménager l’avenir. Car après tout, il se pourrait bien que Les Républicains reviennent un jour aux affaires. Et réclamer la démission de Gérald Darmanin aujourd’hui pourrait créer un dangereux précédent pour demain. "Si on obtient la peau d’un ministre sur la foi d’accusations aussi fragiles, on ouvre les portes de l’enfer. Ils savent qu’il ne faut pas jouer avec ça", explique un cadre de LR dans Libération mercredi.
L’occasion de tacler Wauquiez
Laurent Wauquiez est un président bien élu (plus de 74% des voix des adhérents) mais mal aimé par ses camarades leaders. Alors pourquoi se priver d’une si belle occasion de critiquer le chef. Valérie Pécresse, opposante numéro un de Laurent Wauquiez au sein du parti, ne pouvait pas approuver la démarche. "La justice doit trancher. Vite. Laissons-la sereinement faire son travail!", a écrit la président de la région Ile-de-France dans un tweet.
C’est l’honneur d’un homme. C’est la parole d’une femme. La justice doit trancher. Vite. Laissons la sereinement faire son travail !#Darmaningate
— Valérie Pécresse (@vpecresse) 31 janvier 2018
Sans surprise, le plus virulent est sans doute Christian Estrosi. Le maire de Nice, dont l'absence au dernier Conseil national LR a été remarquée, a qualifié sur Public Sénat l'appel à la démission de "démarche totalement pitoyable".