On le savait, il l'a dit. Nicolas Sarkozy est fan de séries TV. En tête : House of Cards et Downtown Abbey, mais aussi Versailles, Game of Thrones ou Les Revenants.Barack Obama aussi a sa liste. Les séries d'aujourd'hui empruntent de plus en plus à l'univers politique et en retour, les politiques s’intéressent aux séries. François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle et Dominique Moïsi, géopoliticien King’s, tout deux auteurs d'ouvrages sur les séries, étaient les invités de Médiapolis samedi pour décoder les rapports entre politique et séries.
- Homeland : la terreur de l'après 11-Septembre
Le cap des séries modernes a été passé avec le 11-Septembre. "La paranoïa d’après 2001 est particulièrement reflétée par Homeland, dans les saisons 1 et 2", indique Dominique Moïsi. Traduction : la société américaine a peur et se demande d’où vient l’ennemi. Ne peut-il pas être au sein même de la société ? C'est le pitch de départ de la série : un homme prisonnier pendant 17 ans en Irak revient aux Etats-Unis et on ne sait pas s’il est toujours patriote.
- Frank Underwood aurai-t-il influencé Donald Trump ?
Le monde a donc changé en 2001, et les séries avec. La globalisation fait que l’on peut se reconnaître dans les séries américaines, elle deviennent universelles. Bingo avec House of Cards, réflexion américaine sur la crise de la démocratie. On y voit Frank Underwood et sa femme à la conquête du pouvoir. Franck commence comme "simple" sénateur avant d'accéder à la Maison-Blanche après pas mal de machinations. Avant, en "série politique", il y avait West Wing (A la maison blanche). "West Wing, c'était un peu "Bill Clinton", d'après nos invités. L'ancien président a permis de créer le personnage. Mais a contrario, la question se pose : "Frank Underwood aurait-il pu servir de modèle à Donald Trump ?"
- Poutine, fan d'Underwood
Quoi qu'il en soit, il y a bien un politique en chair et en os fan déclaré du politique le plus machiavélique du petit écran : Vladimir Poutine. Le dirigeant russe l'avoue volontiers et va même plus loin en affirmant qu'il se reconnait dans Frank Underwood. Vladimir Poutine ne cache pas non plus sa sympathie pour le milliardaire américain Donald Trump. Et quand ce ne sont pas les politiques qui s'avouent fans, ce sont les personnages qui s'adressent aux politiques. Le compte officiel de House of Cards s'est fendu d'un petit tweet à l'intention de David Cameon lorsque son implication dans le scandale des Panama Papers a été révélée. Comme un message d'un "bad hero" à l'autre.
.@David_Cameronpic.twitter.com/BrgljZmAHu
— House of Cards (@HouseofCards) 7 avril 2016
- Quand le gouvernement utilise Game of Thrones
A contre courant d'Underwood, il existe aussi des personnages positifs, comme celui de la Première ministre danoise de la série Borgen. Les Danois aimaient ce personnage dont ils auraient voulu voir les qualités dans leur gouvernement réel. Mais puisque les séries se servent des politiques, les politiques se servent aussi des séries. L'an dernier, le gouvernement français a ainsi utilisé Game of Thrones pour défendre la reforme territoriale.
Mais toute pub n'est pas bonne à prendre. Toutes les séries qui marchent soulignent aussi la faiblesse des institutions : Dexter fait justice soi-même, Breaking bad montre que le système de santé est trop cher. La faiblesse des institutions crée les nouveaux méchants comme réponses aux problèmes. "Cela recoupe certains discours politiques un peu extrémistes", rappellent les invités. En gros, puisque tout est pourri, tout est permis. La série retrouve ici son rôle d'influence. "Elle ne fait pas forcément changer d’avis, mais renforce des idées qu’on a déjà", souligne François Jost.
- Héros normaux, affectueux et insupportables
Ce que l'on remarque dans ces séries contemporaines, c'est que les héros ne sont plus les mêmes. "Ils ne sont plus figés avec un seul trait comme L’Avare de Molière, ils se transforment", glisse François Jost. Doubles, ils sont à la fois proches et insupportables, affectueux et machiavéliques. Et le politologue de rappeler ce passage dans la première saison de House of Cards où Franck et Claire Underwood débriefent leur journée en fumant une cigarette. On passe d’un héros sacralisé au héros que l'on voit aussi dans son quotidien. "Columbo avait une femme mais on ne la voyait jamais. Aujourd’hui, il y a aussi du banal."