Le Sénat a commencé l’examen du projet de loi de finances 2025 en séance publique ce lundi. Le texte fera son retour à l'Assemblée la semaine prochaine avec le spectre de la censure de Michel Barnier. Une possibilité qui laisse planer la possibilité de voir la France commencer l'année sans budget.
Le projet de loi de finances 2025 a commencé son examen en séance publique ce lundi au Sénat avant de faire son retour le 18 décembre prochain dans une Assemblée nationale où la tension régnera. Plus que jamais, la menace d’une motion de censure plane au-dessus de l'exécutif. Si le gouvernement venait à tomber avant le 31 décembre, la date limite pour voter la loi finances, la France pourrait commencer l’année 2025 sans budget.
Un cas de figure laissant penser à une situation de "shutdown" à l’américaine. Un scénario catastrophe qui pourrait aussi se produire si l’exécutif ne parvient pas à faire voter le texte avant la fin de l’année. En réalité, une France sans budget, et donc dans l'impossibilité de payer les fonctionnaires ou de rembourser les soins, est encore hypothétique. "Pour éviter cette situation, le législateur de la Ve, qui a été marqué par l’instabilité de la IIIe et de la lVe, a prévu plusieurs solutions", relate auprès d’Europe 1, Ramu de Bellescize, professeur de droit public à l’université de Lille.
Faire passer le budget par "ordonnance"
Si jamais Michel Barnier décide de ne pas avoir recours au désormais célèbre 49.3, il pourrait voir son projet de loi être rejeté par l’Assemblée nationale ou alors ne pas être voté sous un délai de 70 jours. Dans ce cas de figure, la Constitution offre une solution au Premier ministre pour se passer de l’avis des parlementaires. "Il pourrait utiliser l’article 47 qui lui permet de faire passer le budget par ordonnance qui est un décret pris dans le domaine de la loi", indique, toujours à Europe 1, Ramu de Bellescize.
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À noter que l’invocation de l’article 47 n’est pas possible si le gouvernement tombe sous le coup d’une motion de censure. Si l'exécutif est censuré, le projet de loi sera alors annulé. "C’est une chose qui ne s’est jamais produite. Face à cette situation inédite, le Conseil d'État pourrait autoriser le gouvernement démissionnaire à prendre des mesures budgétaires pour assurer la continuité de l’État”, souligne le juriste.
L’arrivée d’une "douzième provisoire" et d’une loi spéciale
En cas de blocage à l’Assemblée ou de censure, le gouvernement a encore quelques armes dans son arsenal constitutionnel. Parmi elles, se trouve le projet de loi spéciale. Le gouvernement, démissionnaire ou non, peut faire valoir auprès des deux chambres l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et solliciter "d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts" à partir du 1er janvier 2025. "Concernant le volet des dépenses, elles seront effectuées via des décrets sur la base du budget de l’année 2024", explique Ramu de Bellescize.
Dans le cadre de cette loi spéciale, et pour laisser le temps au projet de loi de finances 2025 d’être voté, l’exécutif pourra reconduire le budget 2024 grâce à la "12e provisoire". "Ce stratagème prend la forme d’une proposition de loi qui peut être rejetée", tempère Ramu de Bellescize. "On aura jamais vu ce cas de figure. Face à cette situation, Emmanuel Macron pourrait invoquer l’article 16 de la constitution et prendre les pleins pouvoirs", conclut le juriste.