La motion de censure déposée par Christian Jacob et Philippe Vigier, les présidents des groupes LR et UDI, a été rejetée jeudi par les députés de l'Assemblée nationale. Seules 246 voix se sont montrées favorables à cette motion, la majorité requise pour une adoption étant fixée à 288. Le rejet de la motion, déposée en réaction à l’utilisation du 49-3 par l’exécutif, a entraîné automatiquement l'adoption du projet de réforme du droit du Travail en première lecture. Le vote s'est inscrit dans un climat particulièrement tendu après que l’aile gauche du PS, le Front de Gauche et les écologistes ont tenté mercredi de déposer leur propre motion. Leur échec, à deux voix près, a provoqué une grave crise chez les socialistes.
Les informations à retenir :
- La motion de censure déposée par la droite à l'encontre du gouvernement de Manuel Valls a été rejetée.
- La loi travail est adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.
- À la différence des communistes, les frondeurs du PS se sont refusés à voter la motion déposée par la droite.
246 voix. 196 élus Les Républicains, soit l'ensemble du groupe, ont voté la motion de censure déposée par leur président Christian Jacob. Ils ont été rejoints par 27 des 30 députés UDI. À gauche, on compte une voix pour le groupe RRDP, 2 pour les écologistes et 11 pour le groupe GDV, réunissant les élus communistes. Parmi les non-inscrits, 9 députés ont voulu censurer le gouvernement, dont deux ex-socialistes, Pouria Amirshahi et Philippe Noguès.
Clore le débat. Le Premier ministre, Manuel Valls, a répondu aux orateurs après les interventions des différents chefs de groupes, avant le vote, qui s'est déroulé de 18h00 à 18h30. "Gouverner ce n’est pas craindre le débat, c’est savoir le clore", a-t-il affirmé, rappelant que l'utilisation de article 49, alinéa 3 de la Constitution s'inscrit dans "la légitimité de nos institutions". Il a demandé à Christian Jacob et à la droite de sortir "des postures" et "des caricature", affirmant à propos du projet de réforme du droit du Travail : "Pour la première fois nous affirmons que rendre les entreprises compétitives ce n’est pas imposer à toutes un cadre uniforme." "La loi travail est une loi de progrès sociale et une réforme indispensable pour notre pays", a-t-il encore assuré.
" "Je ne laisserai pas détruire la gauche de gouvernement, la social-démocratie française" "
À l'attention des députés de gauche qui ont tenté, en vain, de déposer une motion de censure, le Premier ministre a déclaré : "Cette démarche aventureuse a au fond un intérêt, celui d’une clarification entre ceux qui s'arc-boutent sur le passé et ceux qui préparent l’avenir." "Je prends cette tentative pour ce qu'elle est. Elle est grave, même si elle a échoué. Mais leurs signataires sont dans une impasse", a-t-il lancé aux frondeurs socialistes : "Je vais vous livrer une conviction : je ne laisserai pas détruire la gauche de gouvernement, la social-démocratie française".
Christian Jacob invite les frondeurs à voter sa motion. "Ce qu’on ne peut pas vous pardonner c’est de tolérer la chienlit place de la République et d’interdire le débat ici", a lancé Christian Jacob à l'attention de Manuel Valls depuis la tribune où il a pris, en début de séance, la défense de la motion de censure déposée par son groupe. "Que celles et ceux qui veulent la chute de François Hollande passent à l’acte !", a-t-il encore déclaré, cette fois à l’adresse des frondeurs socialistes, devant un hémicycle aux bancs dégarnis.
"Le banc des gueulards". Bruno Le Roux a dénoncé lors de son intervention une "stratégie d’opposition systématique" qui a amené à l’utilisation du 49-3. Largement chahuté pendant sa prise de parole, le président du groupe PS à l’Assemblé s’est insurgé contre "le banc des gueulards", et a dénoncé "la motion de censure déposée par les apôtres de la régression sociale".
"Le seul outil dont je dispose". En dépit de leur tentative avortée avec des opposants socialistes, les dix députés du Front de Gauche ont voulu marquer leur opposition à la réforme, et ce en votant la motion de censure déposée par la droite. "Pour nous, l’objectif, avant de faire tomber le gouvernement de Manuel Valls, c’est de faire tomber la loi Travail. Ce qu’on veut, c’est le retrait", avait martelé mercredi, au micro d’Europe 1, André Chassaigne, député du Puy-de-Dôme et président du groupe Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée. Le communiste a reconnu qu’il n’avait pas lu le texte : "Il ne m’intéresse pas. Je sais très bien que ce texte est à l’opposé de ce que l’on porte. Mais je ne vote pas sur le texte, je vote à partir du seul outil dont je dispose." Le responsable avait déjà voté la motion de censure déposée par la droite lors du passage de la loi Macron.
Monté à la tribune vers 17h, André Chassaigne a fustigé un "gouvernement [qui] ne veut pas débattre de l’un des textes phares de son quinquennat." "Ne serait-il pas plus simple que le gouvernement dissolve le peuple pour en élire un autre ?", a-t-il ironisé en citant le dramaturge allemand Bertold Brecht.
Les frondeurs ne votent pas la motion LR-UDI. À l’inverse, les frondeurs ont refusé ralliement à l’initiative de la droite : "On ne va pas mêler nos voix à des gens qui ne veulent pas de la loi El Khomri pour des raisons opposées aux nôtres", avait indiqué sur BFMTV le député d’Indre-et Loire Laurent Baumel, proche de Christian Paul. Une position confirmée par ce dernier à Europe 1 : "On ne va pas créer une confusion avec nos idées pour une motion qui n'a aucune chance d'être adoptée."
288 voix pour renverser le gouvernement. L'adoption d'une motion de censure requiert le vote de la majorité des membres de l'Assemblée, soit 288 voix actuellement. Si tel est le cas, non seulement le texte est rejeté mais le Premier ministre est tenu de présenter la démission de son gouvernement au président de la République. Le rejet, jeudi, de la motion de censure déposée par la droite amène à l'adoption du projet de loi Travail en première lecture. Celui-ci doit poursuivre son parcours au Sénat à partir du 13 juin.