LR face au spectre d'une alliance avec le FN

Un militant assiste à un meeting de Laurent Wauquiez. © JEFF PACHOUD / AFP
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Plusieurs membres du parti Les Républicains ont publiquement appelé à tendre la main au Front national, quand Marine Le Pen soutient ouvertement un candidat LR aux législatives partielles de Mayotte.

C'est une première qui en dit (très) long. Jeudi soir, Marine Le Pen a appelé à voter pour le candidat LR aux législatives partielles de Mayotte. "J'appelle tous les électeurs qui m'ont fait confiance à Mayotte à se reporter sur le candidat LR", a déclaré la présidente frontiste sur CNews. Ce candidat, Elad Chakrina, est soutenu par Mansour Kamardine, voisin de Marine Le Pen à l'Assemblée nationale. Officiellement, cette décision est prise car "la situation est trop grave là-bas" et qu'"il faut dépasser les étiquettes politiques". Mais il s'agit bien sûr aussi d'un calcul politique de la fille de Jean-Marie Le Pen. Qui, du même coup, place LR face à la tentation de s'allier avec le Front national.

"Le FN a évolué". Car ce choix de soutien, et surtout le contexte dans lequel il intervient, ne doivent rien au hasard. Dimanche dernier, Thierry Mariani, ancien ministre de Nicolas Sarkozy et membre de la droite traditionnelle depuis plus de vingt ans, avait mis les pieds dans le plat. "Le Front national a évolué", disait-il au JDD. "Regardons si un accord ou un rapprochement sont possibles." Une déclaration qui n'avait rien de réellement fracassant, Thierry Mariani étant coutumier du fait.

"Signe des temps". Mais le peu de réaction de sa famille politique, en revanche, en a interpellé plus d'un. Bien sûr, les porte-paroles LR se sont empressés de préciser que Thierry Mariani était "isolé" en son parti. Mais aucune sanction n'a été prise en bureau politique, mardi. "Aucun LR ne demande de sanction", a fait remarquer sur Twitter Gilles Boyer, conseiller du Premier ministre qui a quitté LR pendant la campagne de François Fillon. Un "signe des temps", selon lui.

Vers l'union des droites ? Signe que l'ombre de "l'union des droites" théorisée par Patrick Buisson plane bel et bien sur LR. D'anciens élus de la droite traditionnelle ont d'ailleurs franchi le pas, à l'instar de Nicolas Dhuicq, ancien député de l'Aube passé chez Debout la France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan. "La recomposition politique n'est pas terminée", prédit le transfuge dans les colonnes du Monde. "J'ai participé à une des conférences [du FN] en novembre 2017, je n'y ai pas vu des gens excités, ni entendu des discours de haine."

En octobre 2017, Nicolas Dupont-Aignan et Jean-Frédéric Poisson, président du PCD allié de LR – il avait d'ailleurs pu participer à la primaire de la droite en 2016 – ont d'ailleurs lancé une plateforme politique, "Les Amoureux de la France", pour réunir sympathisants de droite et d'extrême droite.

Cordon sanitaire. Chez LR, la ligne droitière prônée par Laurent Wauquiez a fait craindre à certains un rapprochement avec le Front national après son élection à la tête du parti. Jusqu'ici, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes s'est attaché à rassurer sur ce point, répétant qu'il n'était pas question de rompre le "cordon sanitaire" qui sépare la droite traditionnelle de l'extrême droite. "Pas d'alliance avec le FN, ce qui n'empêche pas de parler aux électeurs du FN", a martelé Laurent Wauquiez lundi dans un Facebook Live.

Certains ont également vu dans l'annonce de Marine Le Pen, qui a longtemps renvoyé dos à dos les socialistes et les Républicains, un pur calcul. "Elle essaye de faire parler d'elle", s'est agacé Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, vendredi sur RTL. "Pour moi, c'est porte close à toute alliance avec le Front national. La position des Républicains doit être claire, nette, précise : porte fermée à toute alliance avec le Front national et ses affidés. Point final."

Calculs ou convictions. Faire rempart coûte que coûte à toute porosité avec le Front national reste, encore, la position largement majoritaire au sein de LR. Le parti trouve en effet, pour l'instant, peu d'intérêt à un rapprochement. Affaiblie par sa défaite à la présidentielle et son débat d'entre-deux tours raté, contestée en interne car elle serait "cramée", Marine Le Pen n'est plus une alliée aussi bankable qu'avant. Toute la question est donc de savoir si la fermeté des élus LR vis-à-vis du FN relève de ces calculs ou de convictions politiques.