LREM : "Il faut laisser plus de place aux adhérents"

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Joachim Son-Forget est l’animateur de la liste numéro 3, celle qui cause le plus de soucis à la direction de La République en marche. © Fabrice COFFRINI / AFP
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Le député Joachim Son-Forget, qui mène la liste la plus critique en vue du Congrès de La République en marche, revendique une démarche constructive et retient ses coups. 
INTERVIEW

Il est celui qui grippe un tant soit peu la belle mécanique de La République en marche. Celui qui ose porter le plus haut les critiques sur le fonctionnement du parti présidentiel, qui tient son premier Congrès samedi à Lyon. Joachim Son-Forget, député des Français de l’étranger, mène, pour l’élection du bureau exécutif de LREM, la liste numéro trois, celle qui menace le plus sérieusement sa concurrente numéro 4, celle fidèle à Christophe Castaner.

Si l’homme n’élève pas trop la voix, s’il ne conteste pas non plus l’identité du futur délégué général du mouvement, il ne se prive pas de plaider tout haut pour plus de démocratie dans le fonctionnement de LREM, une critique que beaucoup d’adhérents pensent tout bas. Et cela semble agacer certains cadres, comme Richard Ferrand, le patron des députés LREM, à en croire L'Opinion. Jeudi soir, lors d’un débat diffusé sur Facebook, un exercice qu’il aborde avec appétit, il expliquera sa démarche. Constructive jure-t-il.

Votre démarche et vos critiques sur la fonctionnement trop parisien et trop centralisé de La République en marche semblent agacer en haut lieu, et on vous présente volontiers comme le trouble-fête du Conseil de samedi. Ce rôle vous convient-il ?
J’aime bien inventer une fonction qui n’existait pas avant. Mais je pense que les gens qui se montrent agacés sont minoritaires. Ce sont peut-être des personnes qui se sentent visées dans leur confort. En marche est un mouvement qui s’est formé de manière très horizontal. Alors évidemment, il y a la figure du président de la République, qui induit une forte verticalité, mais cela n’autorise pas certains à se comporter comme des pâles copies du chef de l’Etat. Et puis quand il a créé En Marche, Emmanuel Macron a beaucoup écouté, il s’est beaucoup déplacé dans les territoires. C’est à mon sens la bonne méthode.

Mais je le répète, il n’y a que quelques personnes qui se sentent comme ça. Je n’ai rien entendu venant de tout en haut. Il n’y a pas eu de paroles déplacées de Christophe Castaner, qui a plutôt salué notre démarche. Même Richard Ferrand l’a fait d’ailleurs.

Des critiques sont récemment apparues sur la composition même du Conseil* de LREM, mais aussi sur son fonctionnement, avec un vote prévu à main levée. C’est votre cheval de bataille ?
C’est largement pire ailleurs. Mais on peut faire encore mieux. En Marche doit conserver un fonctionnement horizontal et décentralisé comme pendant la campagne présidentielle. Pour ce qui est de la composition du Conseil national, c’est un débat qui a été tranché en août. Mais c’est vrai que c’est peut-être à repenser pour plus tard. Il faut sans doute laisser plus de place aux adhérents. Pareil sur le fait que la totalité de la liste sera élue au Bureau exécutif, c’est dans les statuts qui ont été adoptés à la fin de l’été, avec sans doute d’ailleurs une participation trop faible. Mais c’est vrai qu’au temps où on veut de la proportionnelle pour l’élection des parlementaires, ça paraît un peu décalé.

Cela dit, nous avons engagé une démarche pour que le vote du bureau exécutif se fasse à bulletins secrets, et ça va aboutir. Il y a deux jours, il y avait déjà le compte. La question sera réglée samedi matin. Il va y avoir un vote à main levée et si plus de 50% des participants se prononcent pour un vote secret, il sera organisé.

Christophe Castaner est le seul candidat au poste de délégué général. N’avez-vous pas songé vous-même à vous présenter ?
Christophe Castaner est fédérateur. Beaucoup le soutiennent, nous y compris. Je n’ai pas la légitimité et la popularité auprès des adhérents, contrairement à Christophe Castaner. Il faut rester modeste. Je suis très heureux dans ma fonction de parlementaire. Et puis j’ai déjà gagné la bataille sur le vote à bulletins secrets, j’ai réveillé les entrailles d’un parti qui était un peu en plein baby-blues. Maintenant, on a nos chances, on y va pour gagner.

Il est probable que Christophe Castaner reste secrétaire d’Etat aux Relations avec le Parlement. Estimez-vous que le poste de délégué général est compatible avec une place dans le gouvernement ?
On pourrait penser que c’est un travail qui prend beaucoup de temps. Mais il y a des gens qui sont capables de s’organiser pour mener de front plusieurs chantiers. Et il n’est pas exclu de penser que Christophe Castaner en fasse partie. Je n’ai pas de problème avec ça. Et puis ce n’est pas à moi d’en juger. Je ne suis pas dans la tête de Christophe Castaner, et encore moins du président de la République.

Comment abordez-vous le débat de ce soir ? Craignez-vous de l’agressivité de la part de vos adversaires ?
J’aime beaucoup l’exercice du débat. Je suis très excité à cette idée, surtout en direct, avec des questions que nous ne connaissons pas à l’avance. Je suis très content, très heureux. Après, l’agressivité, je sais la désarmer. J’ai une formation en psychologie cognitive, je sais m’en servir, et la retourner contre celui qui l’emploie. Et puis là, c’est un ‘adversariat’ plutôt cool. On est entre nous, il ne faudrait pas que cela tourne à la lutte fratricide.

*Le Conseil de La République en marche, c'est-à-dire les participants au Congrés de samedi, est composé d'environ 750 personnes. Parmi elles, les parlementaires, les membres du gouvernement, les référents, les élus des grandees collectivités territoriales, et 200 "marcheurs" tirés au sort, dont 40 parmi les animateurs locaux.