François Hollande sur tous les fronts. Pour la dernière interview du 14-Juillet de son quinquennat, le président de la République avait à faire face à une actualité particulièrement dense. Le chef de l’Etat a ainsi recadré Emmanuel Macron, qui a des envies de liberté, a lancé un avertissement à Theresa May, la nouvelle Première ministre britannique, et évoqué la fin très proche de l’état d’urgence. François Hollande a aussi évoqué en creux 2017, en vantant son bilan et en critiquant ses adversaires potentiels.
- Macron, doit se plier à certaines règles, ou…
C’était LE sujet chaud du moment. Deux jours après un meeting tout en provocation d’Emmanuel Macron, François Hollande a été interrogé sur l’attitude de son ministre de l’Economie, qui donne de plus en plus l’impression de vouloir jouer sa carte personnelle en vue de l’élection présidentielle de 2017. Le chef de l’Etat lui a envoyé un message en forme d’avertissement. "Il y a des règles dans un gouvernement. La première, c'est la solidarité, c'est l'esprit d'équipe, c'est de défendre le bilan, c'est d'être à plein temps dans sa tâche, et donc c'est une règle qu'il doit respecter. Et puis, il y en a une deuxième : il n'y a pas de démarche personnelle, encore moins présidentielle, il y a tout simplement servir et servir jusqu'au bout", a-t-il lancé. Puis, plus clair : "Respecter ces règles, c'est rester au gouvernement, ne pas les respecter, c'est ne pas y rester".
Le recadrage est certes moins ferme que celui de Manuel Valls. Mardi, le Premier avait sèchement rappelé à l'ordre son ministre de l'Economie, en affirmant qu'il était "temps que tout cela s'arrête". Mercredi, il avait encore accusé Emmanuel Macron de "céder aux sirènes du populisme" en se disant "anti-système". "Manuel Valls, je l'ai nommé pour diriger le gouvernement et il le fait avec autorité, il le fait avec courage, il le fait aussi en ayant le sens de l'intérêt général. Et il le fait aussi avec sa personnalité, heureusement", a salué François Hollande. Et désormais, selon le chef de l’Etat, "chacun maintenant est informé : la règle, si elle n'est pas respectée, il y aura les conséquences que je viens d'indiquer."
- Son coiffeur personnel ? "J'ai fait diminuer le budget de l'Elysée !"
François Hollande a répondu avec fermeté à la polémique sur la rémunération de son coiffeur personnel, près de 10.000 euros brut par mois, selon Le Canard Enchaîné. "J'ai fait diminuer le budget de l'Elysée, qui était de 109 millions en 2012 à 100 millions, j'ai supprimé 10% des effectifs de l'Elysée. Mon salaire a baissé de 30% et on viendrait me chercher" sur cette affaire ?, s’est-il agacé. "On peut me faire tous les reproches, pas celui-là."
- L’état d’urgence levé dès le 26 juillet
François Hollande a confirmé que l’état d’urgence, en vigueur depuis les attentats du 13-Novembre, serait bel et bien levé le 26 juillet prochain. "Cet état d'urgence, j'ai considéré qu'il fallait le prolonger jusqu'au moment où nous puissions être sûrs que la loi pouvait nous donner des moyens nous permettant de prévenir la menace terroriste avec efficacité", a déclaré le président de la République, en référence à la loi sur la procédure pénale promulguée en juin. Cette loi a été votée "à une très large majorité, presque à l'unanimité", et "va nous donner des instruments d'action qui sont non pas comparables à l'état d'urgence, mais qui nous donnent des moyens de contrôle administratif de certains individus", a-t-il développé.
"Je veux donc dire très clairement aux Français qu'on ne peut pas prolonger l'état d'urgence éternellement. Ca n'aurait aucun sens, ça voudrait dire que nous ne serions plus une république avec un droit qui pourrait s'appliquer en toutes circonstances", a ajouté le chef de l'Etat, qui a tout de même annoncé que le plan Vigipirate serait maintenu à son niveau maximal. "Est-ce que la menace est là ? Oui, elle est là", parce que "nous avons le même adversaire : il est en Syrie, en Irak et il a ses prolongements ici en Europe. L'adversaire, c'est l'islamiste fondamentaliste, c'est le fanatisme", a-t-il déclaré.
- Barroso chez Goldman Sachs ? "Moralement inacceptable"
Le chef de l’Etat a vivement critiqué le récent recrutement de José Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne par la banque d’affaires Goldman Sachs. "M. Barroso, ce n'est pas moi qui l'ai choisi, hein, certains se reconnaîtront dans ce choix", a souligné le chef de l'Etat à l'adresse de ses prédécesseurs Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, qui ont contribué à la nomination à Bruxelles en 2004 puis à la reconduction en 2009 de l'ancien Premier ministre portugais. "Il était président de la Commission européenne au moment où il y a eu cette crise provoquée par ce qu'on appelle les subprimes, dont Goldman Sachs était un des établissements-phares. Goldman Sachs qu'on retrouve dans l'affaire grecque, puisque c'est Goldman Sachs qui conseillait les Grecs et maquillait les chiffres que la Grèce il y a quelques années avait donnés à l'Union européenne. Et on apprend quelques années plus tard que M. Barroso va rejoindre Goldman Sachs ? C'est juridiquement possible mais moralement, ça touche la personne, c'est moralement inacceptable", a asséné le chef de l'Etat.
- Brexit : "Le Royaume-Uni ne peut pas avoir dehors ce qu’il avait dedans"
François Hollande a invité Theresa May, la nouvelle Première ministre britannique, à engager au plus vite la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. "Il y a une décision que les Britanniques ont prise. C’est leur choix. Il faut donc que la Première ministre dépose cette notification indispensable à la négociation. Je lui ai dit au téléphone, avec toute la courtoisie nécessaire, en la félicitant. Mais l'Europe ne doit pas être paralysée. Plus tôt elle engagera la procédure de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, meilleure sera la relation future entre l'Europe et le Royaume-Uni et meilleure sera notre propre situation. Mais le Royaume-Uni ne peut pas avoir dehors ce qu'il avait dedans, c'est fini !"
- "Ça va mieux", mais "ça reste fragile"
Puis est venue la séquence politique. En deux temps. D’abord, François Hollande a réaffirmé qu’en France, ça va mieux, mais en prévenant que l’édifice reste fragile et qu’un changement de politique pouvait le fragiliser encore plus. "Je pense que ça va effectivement mieux, parce que nous avons retrouvé de la croissance. Mais ça peut se dégrader si nous ne faisons rien, donc j'agis", a-t-il affirmé. "J'ai hérité d'un pays qui avait effectivement 40 de fièvre. J'avais demandé aux Français du temps pour arriver à remettre l'économie sur ses pieds. Pour créer des emplois, il fallait redonner des marges aux entreprises et il fallait stimuler l'emploi. Nous aurons une baisse du chômage à la fin de l'année, mais un chômage qui restera encore trop élevé. Cela veut dire qu'il va falloir continuer la politique que j'ai engagée. Si nous mettons en cause tout ce que nous avons acquis, nous aurons de nouveau les déficits, l’absence de compétitivité, et pire, une remise en cause du droit à la retraite, du contrat de travail, du Smic, du droit du travail. Les choix faits étaient les bons. C’était le bon cap et je pense qu’il faut le suivre", a-t-il conclu.
- La droite ? "La dislocation sociale". L’extrême droite ? "La dislocation républicaine".
Après la défense de son bilan, le président de la République s’en est pris à ses adversaires potentiels en 2017 : la droite et l’extrême droite. "L’idée majeure, celle qui m’anime, qui pourrait justifier d’aller devant les Français, c’est de faire en sorte que notre pays puisse être maître de son destin, qu’il y ait la cohésion. Nationale, sociale et culturelle. Aujourd’hui, ce qui nous menace ? Je regarde les propositions qui sont faites face à la gauche. Proposition de dislocation républicaine, de séparation d’opposition des Français autour d’une identité crispée. Je parle du Front national, vous l’avez reconnu. Faire ce qui arrive en Grande-Bretagne, qu’on quitte l’Union européenne, qu’on abandonne la monnaie unique, qu’on soit enfermés dans les barrières dans des barbelés", énumère-t-il..
Puis place à la droite. "L'autre risque c'est la dislocation sociale, la diminution de droits, l’abandon d’un certain nombre de protection, la retraite, le droit du travail, le Smic, abandonner les 35 heures. Bien sûr, il y a des impatiences, des critiques, et elle porte sur ma personne. Mais il y aura à un moment cette nécessité de faire que la France puisse avance, être un grand pays et ne pas abandonner son modèle sociale ou pire, son modèle républicain", a-t-il conclu.