En fait de renouvellement, la pratique du pouvoir d'Emmanuel Macron se présente bien souvent comme une restauration des fondamentaux de la Ve République. Preuve en est avec la convocation, lundi, du Parlement réuni en Congrès à Versailles. Le chef de l'État s'exprime ainsi devant députés et sénateurs, asseyant sa stature présidentielle et reléguant son Premier ministre, Édouard Philippe - dont le discours de politique générale est prévu le lendemain - au second plan.
Une vive opposition. Mais la journée de lundi s'annonce compliquée pour Emmanuel Macron. L'opposition a vivement dénoncé la tenue de ce Congrès. "Le président cherche à contourner son propre gouvernement", a ainsi dénoncé Olivier Faure, chef de file des députés Nouvelle Gauche (ex-PS) devant la presse. Pour Alexis Corbière, élu de la France Insoumise, il s'agit d'une "manifestation de cette présidence monarchique, jupitérienne", d'une "forme de boursouflure de cette ultraprésidence".
Une "erreur politique". Même du côté de représentants politiques en théorie plus proches d'Emmanuel Macron, les réactions ne sont pas enthousiastes. Ainsi, Jean-Christophe Lagarde, président de l'UDI, qui siège à l'Assemblée dans un groupe qui se veut "constructif" plutôt que dans une opposition systématique, a expliqué que ce Congrès n'avait "pas de sens". "Emmanuel Macron 'squeeze' [son gouvernement]", explique-t-il dans les colonnes du Figaro. "Pour moi, c'est sa première erreur politique depuis son élection."
" Pour moi, c'est sa première erreur politique depuis son élection "
Les boycotts à prévoir… Une erreur qui pourrait lui coûter cher. D'abord parce que des boycotts sont à prévoir. Les centristes Jean-Christophe Lagarde et Philippe Vigier ont annoncé qu'ils ne feraient pas le déplacement. Les députés de la France Insoumise leur ont emboîté le pas, leur chef de file Jean-Luc Mélenchon ayant annoncé jeudi que son groupe ne participerait pas. "Le président de la République manque de respect à la représentation nationale", a fustigé le député de Marseille. Au Sénat aussi, des défections sont à prévoir. Esther Benbassa, élue EELV, juge le Congrès "inutile".
…peuvent entamer l'autorité du président. Si Emmanuel Macron se retrouve face aux seuls élus de sa majorité, l'image qui sera donnée risque d'être désastreuse. Avec un Congrès, "le chef de l'État engage surtout son autorité devant l'opinion", rappelait le constitutionnaliste Guy Carcassonne en 2008, lorsque la réforme constitutionnelle de Nicolas Sarkozy avait instauré cette réunion du Parlement. L'absence remarquée de nombreux élus porterait un coup certain à cette autorité. Par ailleurs, Emmanuel Macron s'expose à une opposition dans la rue. Le Parti communiste a ainsi lancé un appel à manifester, adressé "au Tiers-États", lundi, à 14 heures, devant la mairie de Versailles.
"Il se tire une balle dans le pied". Enfin, couper l'herbe sous le pied de son Premier ministre n'est, selon les élus, pas un bon calcul alors que le quinquennat ne fait que commencer, et que les premiers textes législatifs vont arriver devant les parlementaires. "Un président fort a besoin d'un Premier ministre fort car c'est lui qui porte les réformes devant l'Assemblée nationale et le Sénat", a ainsi déclaré Philippe Bas, sénateur LR, à Public Sénat. "Si Emmanuel Macron affaiblit Édouard Philippe, il se tire une balle dans le pied."
Le discours d’Emmanuel Macron au congrès à Versailles le 3 juillet 2017