L’élection présidentielle se jouera-t-elle lors du traditionnel débat de l’entre-deux-tours ? Une bonne prestation lors de ce moment regardé par plus d’un quart des Français permettrait aux candidats de remplir leurs objectifs : conserver son avance pour Emmanuel Macron tandis que Marine Le Pen veut à tout prix créer la surprise dans la dernière ligne droite. D’où l’intérêt pour chacun des finalistes de mettre en valeur leurs qualités de débatteur, tout en masquant leurs défauts.
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Macron, des codes inconscients de séduction. Le goût d’Emmanuel Macron pour la synthèse va-t-il lui servir dans un débat ? Rien n’est acquis mais Jean Sommer, coach vocal, compare le candidat d’En Marche ! à un "danseur" par "sa virtuosité à toujours retomber sur ses pieds dans un débat, les yeux plantés dans la caméra." Une aptitude qui l’entraîne à "sortir la langue vers l’avant, comme s’il se délectait des propos qu’il tenait", observe le conférencier et synergologue Stephen Bunard : "Il est de la même trempe que Nicolas Sarkozy, avec des codes inconscients de séduction. Ce qui est intéressant à observer, ce sont ses coups de sourcils quand il veut convaincre."
De la même manière, Emmanuel Macron a tendance à moins s’emporter que Marine Le Pen lors d’un débat, avec "un phrasé pédagogique", selon Jean Sommer. Il l’avait ainsi calmement recadrée sur le burkini dans le débat à cinq candidats, le 20 mars. Arrivera-t-il à prendre l’ascendant sur son adversaire ? Dans son équipe, on se veut prudent : "Personne ne pense que ce débat est gagné d’avance", indique-t-on.
…mais un discours qui manque de chair. Surtout que l’ancien ministre de l’Economie, 39 ans, est un relatif novice dans l’exercice du débat. "Il n’a pas eu le temps de vivre, de se faire des rides. Sa voix non plus, d’ailleurs, car elle est un peu légère, sans épaisseur. L’émotion existe en lui, mais il ne la maîtrise pas. Son discours manque de chair, il manipule bien les concepts, mais il n’arrive pas forcément à émouvoir au niveau des tripes", juge Jean Sommer.
Une faille pointée par Marine Le Pen lors du débat à cinq candidats, après une longue tirade sur la politique étrangère : "Vous avez un talent fou, Monsieur Macron. Vous arrivez à parler sept minutes (trois en réalité, NDLR), je suis incapable de résumer votre pensée, vous n'avez rien dit ! C'est le vide absolu, sidéral !", répond Marine Le Pen. L’équipe du candidat d’En Marche ! le reconnaît : "Marine Le Pen sait faire dans le très concret. Parfois, Emmanuel s’en éloigne."
Le côté "braqueuse" de Marine Le Pen… "La dirigeante du Front national a du métier, elle est expérimentée", reconnaît l’entourage d’Emmanuel Macron. Résultat : Marine Le Pen a quelques atouts pour marquer des points dans un débat. "Elle a moins de micro-démangeaisons que son adversaire car elle a un meilleur contrôle émotionnel", pointe Stephen Bunard, lequel observe qu’Emmanuel Macron a l’habitude de se gratter le nez quand sont abordés les sujets délicats de son positionnement régalien et surtout de sa future majorité pour gouverner.
Marine Le Pen n’a pas ce problème : elle fonce. "Elle va directement là où ça paye, à l’émotion", analyse Jean Sommer, qui n’hésite pas à la qualifier de "braqueuse" : "Elle semble solide, faire bloc avec sa parole, comme un rempart". Braqueuse, presque bulldozer : elle tente par tous les moyens de continuer à parler quand les journalistes ou les candidats l’interrompent. Selon BFMTV, Emmanuel Macron "pourrait quitter le plateau au bout d’une demi-heure s’il sert de punching-ball à Marine Le Pen". Une blague mal comprise, d'après les déclarations de son entourage.
…qui cache mal son côté hésitante et crispée. Mais la braqueuse a un talon d’Achille : sa propension à se crisper lors de certains moments difficiles quand elle est attaquée. Cela s’est vu lors du débat entre les 11 candidats, quand Philippe Poutou l’a chargée sur ses démêlés avec la justice. Elle n’y a répondu qu’avec un sourire figé, incapable de tacler le candidat anticapitaliste avec une répartie immédiate.
"Son sourire Colgate, c’est le meilleur masque émotionnel", reconnaît Stephen Bunard, en comparant cette habitude à celle de Manuel Valls. Mais la candidate frontiste a d’autres fragilités, comme le "côté égal et monotone d’une voix qui ne se laisse pas respirer et qui s’étouffe elle-même. C’est ainsi qu’elle multiplie les 'euh...', comme si elle craignait les silences", observe Jean Sommer.