Emmanuel Macron était attendu au tournant pour son premier meeting politique après sa démission du gouvernement. Mardi soir, à Strasbourg, le fondateur d'En Marche ! a pourtant laissé beaucoup de spectateurs sur leur faim. L'ancien ministre de l'Économie avait beau avoir prévenu qu'il consacrerait cette réunion publique à la présentation du "diagnostic" de la France établi par sa "Grande marche", la formule n'a pas convaincu. Pour ses détracteurs, il n'a pas les épaules, et surtout pas de contenu, pour porter un projet présidentiel.
Alexis Bachelay, député PS proche des frondeurs, et Benjamin Griveaux, l'un des cinq porte-paroles du mouvement En Marche !, étaient invités mercredi dans Europe midi pour en débattre.
Alexis Bachelay, député socialiste des Hauts-de-Seine : "Il peut rapidement s'effondrer"
"On a affaire à un OVNI politique, c'est intéressant. Mais s'il veut aller au bout de sa démarche, j'espère qu'il aura un programme, qu'il ne va pas se contenter de faire des constats, des diagnostics et de sourire à la une des magazines people. Car cela ne va pas être suffisant pour convaincre les gens de voter pour lui. Les gens se demandent si la marche n'est pas un peu trop haute pour lui, ils ne le connaissent pas vraiment. S'il ne les rassure pas avec du fond et des éléments personnels, il peut rapidement s'effondrer.
Je partage le constat d'Emmanuel Macron sur le fait qu'il faut changer la politique, renouveler nos élites. Mais lui-même est un produit de l'élite. C'est une sorte de noblesse d'État qui veut faire la révolution. Sa faiblesse, c'est de croire que lui, président, il fera mieux que les autres. Je pense que lui, président, il aura les mêmes difficultés que les autres, parce que c'est le système qu'il faut changer. En outre, Emmanuel Macron commet une erreur en ne passant pas par la case primaire car il pourrait en tirer une part de légitimité qui lui manque. S'il a confiance en sa démarche, pourquoi ne vient-il pas dans cette primaire ?"
Benjamin Griveaux, porte-parole d'En Marche !: "Le temps de l'offre politique viendra"
"Quand on change les règles de la vie politique, la manière de faire, il y a toujours une phase d'interrogation chez les gens. On est dans la phase de diagnostic, et je peux comprendre qu'il y ait des personnes qui aient voulu entendre plus de propositions. On est un peu dans la dictature de l'urgence, on ne veut pas y céder. Cette phase de diagnostic est importante pour la suite. Si on ne sait pas d'où l'on part, on ne peut pas expliquer où on va. C'est ça notre démarche. Par ailleurs, il y a eu des propositions, par exemple sur la question de la responsabilité politique du président de la République. Il a évoqué la possibilité d'avoir un jury citoyen, qui chaque année, permettrait [au chef de l'État] de rendre des comptes.
Il n'a pas 30 ans de vie politique derrière lui, c'est vrai. Mais si on considère qu'avoir été élu pendant 30 ans, c'est le Graal pour bien digérer le pays, cela veut dire qu'on considère que les choix faits depuis 30 ans sont les bons et que le pays va bien. Or, ce n'est pas exactement le sentiment qui est le nôtre. L'une des grandes leçons de cette marche, c'est que les Français ont soif d'engagement mais désertent les appareils et les partis parce qu'ils ne sont plus attractifs. C'est sur cette mobilisation qu'Emmanuel Macron a appuyé cette première phase de diagnostic. Le temps de l'offre politique viendra."