L’onde de choc a gagné le premier cercle. Les confidences de François Hollande aux journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, rapportées dans Un président ne devrait pas dire ça, n’en finissent plus d’alimenter la polémique, et de nombreux hollandais n’ont pas manqué à cette occasion de prendre leur distance avec un président déjà affaibli par son bilan économique, au point que l'hypothèse d'une candidature de Manuel Valls reprenne corps chez certains socialistes.
Un couple dans la tourmente. Au sein même du couple exécutif, la tension monte, si l’on en croit un accrochage rapporté par BFM TV. La scène s’est déroulée mardi, dans l’un des salons de l’Elysée. Ce soir-là, quelques piliers de la majorité se retrouvent comme chaque semaine autour de François Hollande et de Manuel Valls. L’ambiance est pesante. Très vite, le ton monte. Manuel Valls estime que les propos rapportés dans le livre sont indéfendables et mettent à mal la fonction présidentielle. Toujours selon BFM TV, François Hollande aurait fini par recadrer son Premier ministre. Une tension qui trahit une ambiance de fin de règne, où les ambitions des uns et des autres s’agitent. De l’un en particulier.
La veille, Manuel Valls avait arpenté les allées du Salon international de l’alimentation et posé devant l’objectif des journalistes sur le stand des produits "Président". Un cliché cocasse, mais significatif. Suffisamment en tous cas pour que, le lendemain, François Hollande fasse une apparition surprise dans le même salon.
Un avenir politique en suspens. Depuis la rentrée, Manuel Valls multiplie les insinuations quant à une possible candidature. "J'ai une marque, un bilan, une personnalité à défendre. J'aurai un rôle quoi qu'il arrive", aurait lancé le Premier ministre devant des journalistes, rapporte Le Figaro. Le 14 octobre, jour de la publication du fameux livre, le locataire de Matignon, en déplacement au Québec, déclare : "Je veux vraiment [...], à travers le bilan qui a été le mien, incarner cette gauche moderne, républicaine, qui regarde le monde. [...] Je sais ce que je peux représenter pour le pays".
Le plan B. Il faut dire que son avenir politique reste suspendu à l’hypothétique déclaration de candidature de François Hollande, attendue en décembre. "Si Hollande n’y va pas, dans la minute, je suis candidat", a confié le chef du gouvernement à ses proches, selon Le Monde. "Je considère que [François Hollande] n'est pas le meilleur candidat [...]. Pour moi, oui, je ne l'ai jamais caché, la seule alternative crédible serait le Premier ministre. [...], a estimé de son côté le député vallsiste Malek Boutih dans L’Opinion.
Une alternative que semble également valider les sondages dans lesquels le locataire de Matignon opère un certain retour en grâce. 59% des Français estiment que Manuel Valls serait un meilleur candidat à la présidentielle que François Hollande, selon une enquête d’opinion Elabe pour BFM TV publiée mercredi. À savoir qui de Manuel Valls ou de François Hollande serait le plus à même de réformer la France, 75% des personnes interrogées penchent pour le Premier ministre contre seulement 22% pour le président.
Une opération "présidentiable" ? Manuel Valls, longtemps réputé pour ses prises de position iconoclastes au sein de la gauche, sur les 35 heures ou le port du voile notamment, affiche pourtant ces derniers jours un visage plus rassembleur. "L'islam certes rencontre et pose des défis considérables à nos sociétés, mais il n'est pas le problème", a-t-il affirmé lundi, à l’occasion d’un déplacement dans son fief d’Evry. Une réponse, semble-t-il, à la phrase de François Hollande, rapportée dans Un président ne devrait pas dire ça : "Qu’il y ait un problème avec l’islam, c’est vrai. Nul n’en doute."
Manuel Valls s’est également posé en garant de l’autorité de l’Etat sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes, assurant que l’aéroport serait construit, malgré l’opposition des zadistes. Dans le livre de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, François Hollande est moins catégorique, estimant que le projet "ne verra pas le jour". Des paroles prononcées avant le référendum de juin, a assuré le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll.
"Non-assistance à gauche en danger". Certes, Manuel Valls cherche aussi à éteindre l’incendie allumé par les confidences du président. "Moi j’ai un principe, c’est la loyauté", avait-il lancé fin août, après la démission d’Emmanuel Macron. Le Premier ministre n’entend pas démissionner, assure BFM TV. Ni se lancer dans la course : "Pour l’instant, il ne veut pas", a déploré jeudi Malek Boutih au micro de RTL. "Mais j’ai envie de le pousser en disant : il y a non-assistance à gauche en danger".