Cela restera comme l'une des images fortes de la primaire à gauche, et peut-être même de l'élection présidentielle. Manuel Valls, enfariné par un homme au cri de "49.3, on n'oublie pas", alors qu'il était jeudi en déplacement à Strasbourg. Le Premier ministre a immédiatement fait contre mauvaise fortune bon cœur, affirmant que "ce sont les joies de la campagne, il n'y a aucun problème. La farine sans gluten c'est un bon présage". Manuel Valls a en effet pensé à l'image de François Hollande, enfariné lui aussi en février 2012, par une femme, en plein discours. Il était resté parfaitement impassible et l'incident ne l'avait pas empêché d'être élu.
Retour au réel. Mais en réalité, l'enfarinage de l'ancien Premier ministre est surtout synonyme de dur retour au réel. À Matignon, il était protégé. Physiquement bien sûr, par des dizaines de policiers en civils, des rues sécurisées et des gendarmes sur chaque déplacement. Mais aussi de manière plus symbolique. Les murs épais et lambrissés de l'Hôtel de Matignon, comme ceux de l'Elysée ou de l'Assemblée, atténuent fortement l'intensité des protestations. La colère du peuple s'entend de très loin. La présence rassurante des conseillers bienveillants constitue un bouclier dont on oublie l'existence mais qui finit par couper du monde.
Le retour au terrain est donc d'autant plus brutal pour Manuel Valls. Des passants l'interpellent directement à Paris, sur un marché. Une militante de longue date lui reproche d'avoir divisé la majorité pendant un meeting. Et enfin, il reçoit un sac de farine.
Valls à contre-temps. Quand bien même l'ancien Premier ministre veut y voir un heureux présage, la situation est bien différente de celle vécue par François Hollande en 2012. À l'époque, celui-ci s'était fait enfariné par une femme déséquilibrée un peu paranoïaque, qui l'avait visé comme symbole des puissants. L'homme qui s'en est pris à Manuel Valls, en revanche, a voulu lui renvoyer au visage le désormais fameux article 49.3, que l'ex-Premier ministre a utilisé sur deux textes (la loi Macron et la loi El Khomri) pendant qu'il était chef du gouvernement.
Surtout, Manuel Valls est agressé quotidiennement dans ses déplacements. Pourquoi ? Parce qu'il est à contre-temps avec les Français. Il leur tend la main, avance vers eux en paix, comme un candidat, quand les citoyens, eux, lui renvoient les coups qu'ils destinent à un Premier ministre longtemps resté coupé de la réalité. C'est donc ce fossé que Manuel Valls essaie de réduire pendant sa campagne. Il ne lui reste plus qu'un mois pour y parvenir.