En marge de son déplacement à Clermont-Ferrand vendredi, pour l’inauguration du nouveau campus de recherche du groupe Michelin, Manuel Vallss’est confié au Journal du Dimanche sur Emmanuel Macron. Depuis sa sortie du gouvernement, le 30 août, l’ancien protégé de François Hollande est devenu l’une des cibles favorites du Premier ministre, qui ne manque pas de lui reprocher son manque de solidarité vis-à-vis du président, alors que les sondages pronostiquent une très lourde défaite de la gauche à l’élection présidentielle.
Une menace pour la gauche. "Macron n’est pas un élément négligeable", reconnaît le chef du gouvernement. Avec 28% d’avis favorables, l'ancien ministre de l'Economie arrive en tête de la liste des six personnalités testées par un sondage Odoxa, publié samedi, pour représenter la gauche à la présidentielle. Emmanuel Macron devance ainsi François Hollande (qui, avec 8%, se place en fin de classement), et Manuel Valls lui-même (17%). Pour Manuel Valls, la démarche d’Emmanuel Macron, qui veut redéfinir le clivage gauche/droite en une opposition entre progressistes et réformateurs, est dangereuse.
La stratégie de l'empêchement. "Sa logique aboutit de toute façon à détruire la gauche. Moi, je sais ce que c’est que d’avoir des positions iconoclastes et d’être contesté, mais je ne l’ai jamais fait pour détruire la gauche", explique le Premier ministre, longtemps brocardé à gauche du PS pour ses prises de positions, notamment sur les 35 heures, la TVA sociale ou l’âge du départ à la retraite. "Macron est dans une stratégie d’empêchement. Il n’a jamais dit : ‘Si Hollande est candidat, je ne le serai pas’", relève Manuel Valls auprès du JDD. Pour lui, face à "l'hypothèse de la présence du FN au second tour", l'enjeu est d'"empêcher la gauche de sortir de l'Histoire". "Face à cela, l'aventure personnelle n'est pas à la hauteur", tranche-t-il.
La contre-attaque systématique du parti. "C'est pour cela qu'il y a le tir préventif des dirigeants du PS. Il est logique qu'ils cognent", reconnaît Manuel Valls. Interdiction a été faite aux élus PS de signer le moindre parrainage pour la présidentielle en faveur d'Emmanuel Macron, sous peine d’être exclu du parti, révélait la semaine dernière Europe 1.
L'héritage de Rocard. Jeudi, Manuel Valls et Emmanuel Macron se sont disputés l'héritage de Rocard à l’occasion d’un colloque consacré à l’ancien Premier ministre, dont les deux ont été des proches. "Au congrès de Metz [en 1979], Rocard a dit à Mitterand – et Emmanuel devrait s’en inspirer – ‘Je ne serai jamais candidat contre vous, monsieur le premier secrétaire’", rappelle Manuel Valls. "Je suis suffisamment affranchi pour avoir compris que, malgré tout, il faut savoir d’où l’on vient. Il faut connaître l’histoire tourmentée de la gauche française et il faut l’aimer. Il faut accepter ce cadre", continue le locataire de Matignon. Dans la toute dernière interview qu’il avait accordée au Point, Michel Rocard avait notamment reproché à Emmanuel Macron et Manuel Valls d’être trop "loin de l’Histoire" du socialisme.
Macron, sans filtre. Macron n’a "pas de codes, pas de surmoi", conclut Manuel Valls, ce qui en politique "est aussi une force", reconnaît néanmoins le Premier ministre qui, depuis son entrée au gouvernement, a perdu une part de la liberté de ton qui l’a longtemps caractérisé au sein du camp socialiste.